Enquête sur les mesures prises par Johnson Children’s Services Inc., Family Services Anishinaabe Abinoojii et une société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario pour assurer la sécurité de « Misty »
« Disparue dans l’indifférence : L’histoire de Misty »
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
avril 2023
Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario
Nous sommes
Un bureau indépendant de l’Assemblée législative qui examine et règle les plaintes du public à propos des services fournis par les organismes du secteur public de l’Ontario. Ces organismes comprennent les ministères, les agences, les conseils, les commissions, les sociétés et les tribunaux du gouvernement provincial, ainsi que les municipalités, les universités, les conseils scolaires, les services de la protection de l’enfance et les services en français. L’Ombudsman recommande des solutions aux problèmes administratifs individuels et systémiques.
Reconnaissance des territoires et engagement envers la réconciliation
Le travail de l’Ombudsman de l’Ontario s’effectue sur les territoires autochtones traditionnels de la province que nous appelons maintenant l’Ontario, et nous sommes reconnaissant(e)s de pouvoir travailler et vivre sur ces territoires. Nous tenons à souligner que Toronto, où est situé le Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario, est le territoire traditionnel de nombreuses Nations, dont les Mississaugas de Credit, les Anishnabeg, les Chippewa, les Haudenosaunee et les Wendats, et abrite maintenant de nombreux peuples des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
Nous croyons qu’il est important d’offrir une reconnaissance des territoires comme moyen d’attester, de respecter et d’honorer ce territoire, les traités, les premier(ière)s occupant(e)s, leurs ancêtres et le lien historique qu’ils(elles) conservent avec ce territoire.
Dans le cadre de notre engagement envers la réconciliation, nous offrons des occasions de formation pour aider notre personnel à mieux s’informer de notre histoire commune et des préjudices infligés aux peuples autochtones. Nous travaillons à établir des relations mutuellement respectueuses avec les peuples autochtones de la province, et nous continuerons à intégrer les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation dans notre travail. Nous sommes reconnaissant(e)s de la possibilité qui nous est donnée de travailler dans l’Île de la Tortue.
Contributeur(trice)s
Directrice, Unité des enfants et des jeunes
Gestionnaire des enquêtes, Unité des enfants et des jeunes
Enquêteuse principale
Enquêteuses
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Connie Hansenberger
-
Jessica Siracusa
Agente de règlement préventif
Avocate principale
Avocate générale
Table des matières
1 Lorsque « Misty »[1], une jeune fille âgée de treize ans, est arrivée dans une ville du sud-ouest de l’Ontario au début de l’été 2020, sa vie était déjà perturbée, remplie de traumatismes, de deuils et de nombreuses interactions avec le système de protection de l’enfance de l’Ontario. Misty, une enfant autochtone, est particulièrement vulnérable. Elle est atteinte d’un trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale et d’un trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention. Victime présumée d’agressions sexuelles et de traite de personnes, elle a un historique de consommation de puissantes drogues illicites.
2 La société d’aide à l’enfance dans la communauté d’origine de Misty, au nord de l’Ontario, Anishinaabe Abinoojii Family Services (AAFS)[2] n’avait pas réussi à trouver plus près de chez elle des ressources en mesure de répondre à ses besoins complexes. En dernier recours, elle a cherché des ressources pour Misty dans le sud-ouest de l’Ontario. Ses placements auprès d’autres pourvoyeurs de familles d’accueil avaient été des échecs, avant de conclure une entente avec Johnson Children’s Services Inc., un organisme qui administrait des foyers d’accueil.
3 Misty a séjourné environ vingt-cinq jours dans son premier placement du sud-ouest de l’Ontario. Dès le départ, elle ne s’y est pas bien adaptée. Elle a disparu la première journée et puis à deux autres occasions peu de temps après. Lorsqu’elle a été retrouvée après sa troisième disparition, Misty était couverte de sang, portait des ecchymoses partout sur le corps, elle était infestée de minuscules insectes et complètement négligée. On l’a conduite à l’hôpital afin de recevoir des traitements pour les victimes d’agression. Moins d’une semaine plus tard, Misty a disparu à nouveau pour deux jours. La semaine suivante, ennuyée par une autre résidente de son foyer d’accueil, Misty s’est mise à menacer les autres personnes et à endommager des biens. La police a été appelée et la journée suivante, elle a été transférée dans un autre foyer d’accueil administré par le même organisme gestionnaire de foyers d’accueil.
4 Misty a séjourné bien peu de temps dans ce deuxième foyer. Elle a disparu en compagnie d’une autre jeune résidente quelques jours plus tard lorsque leur accompagnatrice les a laissées seules dans un parc. L’autre jeune fille est rentrée au foyer la journée suivante, mais pendant deux jours, il n’y a eu aucun signe de Misty, jusqu’à ce qu’elle revienne brièvement en état d’intoxication et couverte de vomi. Elle s’est à nouveau enfuie cette journée-là pendant une promenade en voiture avec une intervenante et elle n’a pas été revue pendant plus de deux semaines. Elle est alors retournée dans un foyer d’accueil où elle avait déjà séjourné, expliquant avoir fait une surdose et avoir été réanimée à deux reprises avec la naloxone. Elle a dit avoir consommé d’autres drogues par la suite. Elle a été traitée à l’hôpital. Elle a reçu son congé le lendemain et été confiée aux soins d’un(e) employé(e) d’Anishinaabe Abinoojii Family Services, qui l’a ramenée en voiture dans le Nord.
5 Pendant les quarante-sept jours de sa prise en charge par Johnson Children’s Services dans le sud-ouest de l’Ontario, elle a disparu à sept reprises, notamment pour une période de dix-neuf jours. Il s’avère qu’elle a été agressée physiquement et sexuellement durant ces absences, qu’elle a subi des blessures nécessitant des soins médicaux, qu’elle a consommé de la méthamphétamine, du fentanyl, du cannabis, de la cocaïne et du Xanax - et qu’elle a fait une surdose.
6 Mon Bureau a été saisi de préoccupations quant à la qualité des soins fournis à Misty par Johnson Children’s Services Inc. (JCS) pendant son séjour dans le sud-ouest de l’Ontario. Même si JCS était chargé des soins et services quotidiens de Misty, Anishinaabe Abinoojii Family Services était la SAE responsable de son placement. Une société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario avait également la responsabilité de fournir des services à Misty pendant son séjour dans sa zone de desserte[3]. Suivant un examen préliminaire, j’ai lancé une enquête de ma propre initiative sur la pertinence et l’efficacité des mesures prises par chacun de ces organismes pour assurer la sécurité de Misty pendant son séjour dans le sud-ouest de l’Ontario.
7 L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a mis en relief l’obligation du système d’aide à l’enfance de protéger les enfants autochtones contre l’exploitation et le danger de recrutement dans l’industrie du sexe[4]. Mon enquête a révélé que diverses composantes de ce système ont failli à leurs obligations à l’endroit de Misty durant son séjour dans le sud-ouest de l’Ontario, l’exposant à un risque élevé de trafic de personnes et d’autres sévices.
8 Il revenait principalement à Johnson Children’s Services d’assurer la sécurité de Misty dans ses foyers d’accueil. Mon enquête a révélé que cette agence a fait preuve de négligence dans l’exécution de ses fonctions. Bien que Misty ait été spécialement vulnérable à la violence sexuelle et aux risques de surdose et de trafic de personnes lorsqu’elle a échappé à la surveillance de l’agence, les membres de son personnel ont apparemment été insensibles à cette réalité. Ces membres n’ont pas tenu compte des dispositions du propre protocole de l’agence concernant la disparition d’enfants et ont réitéré à la police qu’il n’y avait pas de préoccupations particulières en rapport avec sa sécurité. À une occasion, le personnel a même attendu plus de quatre heures après la disparition de Misty avant d’en avertir la police. Cette attitude et l’inaction du personnel ont influencé le niveau d’urgence attribué par la police au dossier. (Heureusement, d’autres ne partageaient pas le point de vue de l’agence et de son personnel. C’est ainsi qu’un policier du Nord, qui connaissait la situation de Misty, a pris l’initiative d’informer ses homologues du sud-ouest de l’Ontario des facteurs de risque que présentait Misty. Aussi, durant la disparition prolongée de Misty, Anishinaabe Abinoojii Family Services et sa communauté d’origine ont pris la mesure exceptionnelle d’organiser une équipe pour partir à sa recherche dans les rues de la ville.)
9 Mon enquête a aussi établi que Johnson Children’s Services n’a pas fourni à Misty la supervision individuelle (c’est-à-dire un(e) préposé(e) affecté(e) personnellement à Misty) dont elle avait besoin, un service pour lequel JCS avait été payé. Ce manquement a vraisemblablement contribué à ses nombreuses fugues de ses foyers d’accueil. Nous avons découvert que cette agence avait un historique inégal de respect de ses obligations en matière de protection de l’enfance. Cela s’est manifesté à nouveau dans le présent dossier. Johnson Children’s Services n’a pas respecté la condition de son permis exigeant que soit soumis au ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires un rapport sur son personnel. L’agence a aussi omis de signaler à mon Bureau deux incidents de lésions corporelles graves, comme l’exige pourtant la réglementation[5]. JCS a également enfreint les règles du ministère relatives au signalement d’incidents graves. En effet, à trois occasions au moins, l’agence n’a pas soumis de rapports d’incidents graves et lorsqu’elle l’a fait, elle a omis d’y inclure des détails importants. Enfin, JCS n’a pas communiqué efficacement avec Anishinaabe Abinoojii Family Services et les autres organismes qui intervenaient auprès de Misty, et les pratiques de l’agence en matière de documentation, de tenue de dossiers et de formation comportaient des lacunes importantes.
10 Compte tenu des nombreux problèmes graves associés à Johnson Children’s Services Inc. relevés par mon enquête, j’ai jugé que sa conduite était déraisonnable et erronée aux termes des alinéas 21(1)(b) et (d) de la Loi sur l’ombudsman.
11 Anishinaabe Abinoojii Family Services partage une part de la responsabilité pour les mauvais services reçus par Misty pendant son séjour dans le sud-ouest de l’Ontario. AAFS n’a pas informé la société d’aide à l’enfance locale de la présence de Misty dans sa zone de desserte et n’a pas conclu avec celle-ci d’entente d’assistance de supervision. En fait, la société d’aide à l’enfance locale n’était même pas au courant de la présence de Misty sur son territoire avant d’avoir été contactée par la police après une de ses disparitions. Aussi Anishinaabe Abinoojii Family Services n’a pas fourni à la société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario des renseignements à jour et pertinents sur la situation de Misty et ses besoins de soins.
12 Même si AAFS s’inquiétait manifestement pour Misty, surtout lorsqu’elle a disparu pendant une période prolongée, l’organisme n’a pas envisagé d’avoir recours à un mandat de la protection de l’enfance, un outil puissant pour aider la police à la recherche d’enfants disparus. AAFS n’a pas non plus examiné attentivement les conditions auxquelles était assujetti le permis de Johnson Children’s Services Inc. et n’a pas contrôlé la qualité des soins que fournissait JCS. De plus, Anishinaabe Abinoojii Family Services a omis de soumettre à mon Bureau un rapport de lésions corporelles graves, comme l’exige la réglementation.
13 En outre, les communications internes d’Anishinaabe Abinoojii Family Services, la supervision et la documentation des soins de Misty et la formation offerte au personnel présentaient de nombreuses lacunes manifestes. Les dossiers d’AAFS étaient également incomplets et ne respectaient pas les Normes de la protection de l’enfance de l’Ontario. Compte tenu de ses lacunes sur le plan de la supervision, de la documentation et des rapports sur les services rendus à Misty par Johnson Children’s Services Inc., je suis d’avis que la conduite d’Anishinaabe Abinoojii Family Services était erronée aux termes de l’alinéa 21(1)(d) de la Loi sur l’ombudsman.
14 La société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario a fourni des services à Misty malgré l’absence d’une entente officielle conclue avec Anishinaabe Abinoojii Family Services. Mon enquête a révélé que contrairement aux deux autres organismes dont nous avons examiné la conduite, de nombreuses pratiques en vigueur dans la SAE du sud-ouest de l’Ontario sont exemplaires. Toutefois, je suis d’avis que son protocole entourant les mandats de la protection de l’enfance en vertu duquel la SAE n’a pas envisagé d’avoir recours à un tel mandat dans le cas de Misty, et son omission de soumettre à mon Bureau un rapport de lésions corporelles graves, constituent une conduite erronée aux termes de l’alinéa 21(1)(d) de la Loi sur l’ombudsman.
15 Je formule cinquante-huit (58) recommandations dans le présent rapport dans le but d’améliorer les services fournis aux enfants pris(ses) en charge. Je formule trente-et-une (31) recommandations à l’intention de Johnson Children’s Services Inc., vingt-trois (23) recommandations à l’intention d’Anishinaabe Abinoojii Family Services et quatre (4) recommandations à l’intention de la société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario. Les trois organismes ont accepté toutes mes recommandations, et mon Bureau surveillera les mesures qu’ils mettront de l’avant pour y donner suite et remédier aux préoccupations soulevées dans le présent rapport.
16 En fin de compte, Misty a survécu à cette période d’errance dans les rues de la ville du sud-ouest de l’Ontario pendant sa disparition. Aujourd’hui, elle demeure prise en charge et confiée aux soins de la SAE d’Anishinaabe Abinoojii Family Services. Il reste qu’elle aurait bien pu faire partie elle aussi de ces jeunes filles autochtones disparues ou assassinées. Il revenait aux autorités de la protection de l’enfance responsables de ses soins de la protéger contre un tel danger. Malheureusement, de nombreux acteurs au sein du système ont laissé tomber Misty. Il est regrettable que le nord de l’Ontario ne dispose pas de ressources spécialisées et culturellement adaptées pour soigner des enfants comme Misty. De toute urgence, les agences dans le sud de l’Ontario, comme Johnson Children’s Services Inc., et les membres de leur personnel doivent s’instruire et se sensibiliser aux enseignements de la Commission de vérité et de réconciliation et de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Ils devraient également considérer les facteurs de risque uniques aux enfants autochtones lorsqu’ils prennent des décisions entourant leurs soins.
17 Mon enquête a été ouverte à la suite d’une plainte provenant d’un organisme communautaire desservant une communauté des Premières Nations du nord-ouest de l’Ontario. Cet organisme s’inquiétait de la qualité des soins reçus par Misty - une enfant autochtone, âgée de treize ans, atteinte de troubles de développement et de problèmes de santé mentale, qui a un historique de consommation de drogues et était à risque de trafic sexuel - pendant qu’elle résidait dans des foyers d’accueil du sud-ouest de l’Ontario administrés par Johnson Children’s Services Inc. Plus précisément, la plainte portait sur les circonstances qui avaient conduit Misty à disparaître à plusieurs reprises, et sur l’adéquation des interventions menées au moment de ses disparitions.
18 En novembre 2021, suivant l’examen préliminaire de la situation par le personnel de mon Bureau, j’ai avisé les trois agences responsables des soins fournis à Misty de mon intention d’enquêter de ma propre initiative sur l’efficacité des mesures prises pour assurer sa sécurité.
19 Mon enquête a porté plus précisément sur une période de six semaines durant l’été 2020, depuis la journée où Misty est arrivée dans le sud-ouest de l’Ontario jusqu’au jour où elle a été à nouveau prise en charge par Anishinaabe Abinoojii Family Services, la société d’aide à l’enfance de sa communauté d’origine.
20 La présente enquête n’est pas la première effectuée par un agent de l’Assemblée législative de l’Ontario au sujet de la conduite de Johnson Children’s Services Inc. (JCS). En mars 2019, l’ancien intervenant provincial en faveur des enfants et des jeunes de l’Ontario a produit un rapport dans lequel il soulignait que le personnel des foyers d’accueil administrés par l’organisme à Thunder Bay était mal formé et mal outillé pour répondre aux besoins complexes des enfants dont ils avaient la charge. En mai 2017, le ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires a ordonné la fermeture des foyers d’accueil administrés par l’organisme dans le nord de la province.
21 Suivant l’adoption de la Loi de 2018 visant à rétablir la confiance, la transparence et la responsabilité (Projet de loi 57), le Bureau de l’intervenant provincial en faveur des enfants et des jeunes de l’Ontario a été aboli et, à compter du 1er mai 2019, ses responsabilités en matière d’enquête ont été transférées à l’Ombudsman de l’Ontario. Mon enquête ne portait pas sur les problèmes soulevés dans le rapport de l’intervenant provincial, mais il est inquiétant de voir qu’il s’agit de la deuxième fois qu’un organisme de surveillance provincial fait état de sérieuses préoccupations liées à ce fournisseur de services à l’enfance.
22 L’enquête de mon Bureau a été réalisée par l’Unité des enfants et des jeunes, dont les membres sont spécialisé(e)s et ont de l’expertise dans le domaine de l’aide et de la protection de l’enfance et par notre équipe des Services juridiques. Des membres du Cercle autochtone de notre Bureau ont aussi contribué à l’enquête. Le cercle est dirigé par des employé(e)s autochtones et a la capacité d’intégrer à notre travail des pratiques autochtones, comme les séances de purification, les cercles de la parole et la participation des Aîné(e)s.
23 L’équipe chargée de l’enquête a mené 41 entrevues avec des membres du personnel et d’ex-employé(e)s des organismes de protection de l’enfance concernés, ainsi qu’avec d’autres personnes détenant des renseignements pertinents à l’enquête. Ces autres personnes comprennent des jeunes qui résidaient avec Misty dans les foyers d’accueil, des policiers(ières) locaux qui ont participé à la recherche de Misty, des membres de l’équipe de secours partie à sa recherche, un policier provincial du nord-ouest de l’Ontario et d’autres organismes qui ont fourni des services à Misty. Notre équipe a parlé à plusieurs occasions à Misty pour connaître son point de vue sur les questions faisant l’objet de l’enquête. Le bien-être de Misty est demeuré au cœur de notre enquête et notre personnel continue d’entretenir des liens avec elle.
24 En raison des mesures restrictives liées à la pandémie de COVID-19, toutes les entrevues ont été menées par vidéoconférence ou au téléphone plutôt qu’en personne. Notre équipe d’enquête a obtenu de nombreux documents aux fins d’analyse des organismes qui ont fourni des services à Misty, ainsi que de la part des personnes qui ont participé à sa recherche. Cela comprend des centaines de documents liés à Misty, ainsi que des politiques et procédures applicables à ce cas, des communications internes et d’autres documents.
25 Les organismes ont pleinement collaboré à la présente enquête.
26 L’alinéa 7.3(4) de la Loi sur l’ombudsman stipule que mon Bureau « ne doit pas divulguer dans un rapport le nom d’un enfant pouvant être visé par une enquête […] ou des renseignements permettant de l’identifier ». Compte tenu des particularités de ce dossier, mon Bureau a anonymisé ou omis certains renseignements, incluant les noms de personnes et de régions géographiques, les données d’identification et le nom de la société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario qui a fourni des services à Misty au cours de la période sur laquelle porte la présente enquête.
27 Dans le présent rapport, les trois organismes ayant participé aux soins et services reçus par Misty sont désignés comme suit :
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Anishinaabe Abinoojii Family Services : la société d’aide à l’enfance opérant dans la communauté d’origine de Misty, aussi désignée sous l’acronyme « AAFS ».
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Johnson Children’s Services Inc. : l’organisme responsable des foyers d’accueil et des soins fournis à Misty pendant son séjour dans le sud-ouest de l’Ontario, aussi désigné sous l’acronyme « JCS ».
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Société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario : sa société d’aide à l’enfance (SAE) dont la zone de desserte inclut la ville où a été placée Misty et où elle a disparu, aussi désignée par « SAE du sud-ouest » ou « SAE locale ».
28 La Loi de 2017 sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille (la LSEJF)[6] régit la prestation des services de protection de l’enfance en Ontario. Elle définit qui peut fournir de tels services, leurs modalités de fonctionnement et les droits des enfants et des jeunes obtenant des services aux termes de la LSEJF. Dans de nombreux cas, les particuliers et les organismes doivent détenir un permis ou être désignés par le ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires pour fournir des services[7].
29 Le ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires supervise toutes les sociétés d’aide à l’enfance et tous les fournisseurs de services en établissement résidentiel titulaires d’un permis de l’Ontario. Cette fonction comprend la délivrance de permis aux fournisseurs de foyers d’accueil et les inspections pour veiller au respect des conditions du permis, des exigences prescrites par la LSEJF, des différents règlements, et des politiques, procédures et directives émises par le ministère. En vertu de leurs contrats avec le ministère et des rapports qu’elles doivent produire, les sociétés d’aide à l’enfance sont également responsables et imputables relativement à leurs obligations législatives et réglementaires et aux politiques qui les régissent.
30 L’Ontario compte cinquante (50) sociétés d’aide à l’enfance - incluant treize (13) sociétés de bien-être des enfants et des familles autochtones – désignées à ce titre et subventionnées par le ministère. Chacune peut intervenir dans les limites d’un territoire de juridiction précis et, sous réserve de l’approbation du ministère, peut fournir une gamme diversifiée de services liés aux enfants, notamment :
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Enquêter sur des allégations ou des preuves selon lesquelles des enfants auraient besoin de protection;
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Protéger les enfants en cas de besoin;
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Offrir aux familles des conseils, du counseling ou d’autres services pour protéger les enfants ou prévenir des situations nécessitant la protection des enfants;
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Fournir des soins aux enfants ou assurer la supervision des enfants;
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Placer des enfants aux fins d’adoption[8].
31 Toutes les sociétés d’aide à l’enfance désignées par le ministère sont assujetties à la LSEJF et aux règlements connexes. Entre autres choses, les sociétés d’aide à l’enfance sont tenues aux termes de la LSEJF de respecter les normes de services, de procédures et de pratiques prescrites par le ministère[9].
32 Certaines sociétés d’aide à l’enfance en Ontario ont le mandat explicite de fournir des services à des communautés spécifiques des Premières Nations, inuites et métisses, ce qui correspond au principe directeur suivant de la LSEJF : les Premières Nations, les Inuits et les Métis devraient avoir le droit de fournir, dans la mesure du possible, leurs propres services à l’enfance et à la famille et « tous les services fournis aux enfants et aux adolescent(e)s inuits, métis et de Premières Nations et à leur famille devraient l’être d’une manière qui tient compte de leur culture, de leur patrimoine, de leurs traditions, des liens qui les unissent à leurs communautés et du concept de la famille élargie »[10].
33 En vertu de l’article 70 de la LSEJF, si un organisme est désigné par une bande ou une communauté inuite, métisse ou de Premières Nations à titre « d’organisme chargé du bien-être de l’enfant », le ministre peut désigner cet organisme, avec son consentement, société d’aide à l’enfance. Dans le présent rapport, l’expression « société de bien-être des enfants et des familles autochtones » fait référence aux sociétés d’aide à l’enfance désignées à ce titre aux termes de l’article 70 de la Loi.
34 Dans le cas de Misty, Anishinaabe Abinoojii Family Services (AAFS) est la société de bien-être des enfants et des familles autochtones autorisée à fournir des services à un certain nombre de communautés autochtones dans une vaste région géographique, dont la communauté des Premières Nations à laquelle appartient Misty. Il existe une entente tripartite entre AAFS, la bande des Premières Nations de Misty et un organisme communautaire qui travaille en collaboration avec la bande. De cette manière, la Première Nation exerce plus de contrôle sur la prestation des services de bien-être et de protection de l’enfance dans la communauté. Par ailleurs, en vertu de cette entente, l’organisme communautaire a la responsabilité de fournir au quotidien les services de protection, de prévention et de prise en charge (p. ex., foyer d’accueil) pour le compte d’AAFS.
35 L’organisme communautaire n’est pas désigné par le ministère à titre de société d’aide à l’enfance, mais une entente de service décrit ses obligations propres et celles d’AAFS. En fin de compte, AAFS est responsable auprès du ministère de la prestation des services de protection à l’enfance sur son territoire. Dans le présent rapport, tous les services fournis pour le compte d’AAFS sont considérés comme des services fournis par cette société d’aide à l’enfance et toutes les recommandations en lien avec ces services visent AAFS.
36 Les sociétés d’aide à l’enfance concluent parfois des ententes de services avec des organismes externes qui se spécialisent dans la prestation de soins pour enfants en établissement résidentiel.
37 Les organismes chargés de foyers d’accueil ou quiconque souhaite accueillir en foyer d’accueil trois enfants ou plus doivent obtenir un permis de soins en établissement résidentiel[11]. Comme il est décrit dans le Manuel sur la délivrance des permis de soins en famille d’accueil, le processus de délivrance d’un permis se veut "une façon systématique d’évaluer si les enfants et les jeunes placés en famille d’accueil reçoivent ou non des soins de base et sont en sécurité"[12].
38 Les fournisseurs de services titulaires d’un permis doivent respecter la loi, les règlements et les politiques[13]. Ils doivent également respecter les conditions « normales » auxquelles sont assujettis tous les permis délivrés par le ministère ainsi que les conditions « particulières ou spéciales » ajoutées au permis afin de remédier à des problèmes de conformité. Le Cadre des normes de qualité de l’Ontario et le Manuel sur la délivrance des permis de soins en famille d’accueil confirment que la responsabilité générale au chapitre de la délivrance des permis et de l’application et du respect des règles revient au gouvernement[14]. Lorsqu’une société d’aide à l’enfance place un enfant auprès d’une agence responsable de foyers d’accueil qui est titulaire d’un permis de fournisseur de soins en établissement résidentiel, l’agence doit lui fournir une copie de son permis avant de procéder au placement de l’enfant[15].
39 Habituellement, la société d’aide à l’enfance qui place les enfants et l’agence responsable des foyers d’accueil concluent une « entente de services » écrite dans laquelle sont précisées les obligations des deux parties. Il est possible de compléter les ententes de services par des « ententes d’indemnité spéciale » qui sont utilisées pour permettre d’ajouter au besoin du personnel de soutien. L’étroite supervision d’un enfant par un(e) préposé(e) qui lui est affecté(e) individuellement est une forme de soutien additionnel que peuvent prévoir de telles ententes. Il était communément admis par les intervenant(e)s en protection de l’enfance interviewés dans le cadre de la présente enquête que le(la) préposé(e) en question doit être auprès de l’enfant ou de la jeune personne en tout temps et l’accompagner dans tous ses déplacements. L’entente de services et l’entente d’indemnité spéciale, s’il y en a une, forment la base de la relation financière et des rapports entre les deux organismes.
40 Dans le cas de Misty, Anishinaabe Abinoojii Family Services a fait appel à une agence externe - Johnson Children’s Services - pour lui trouver un foyer d’accueil parce que la communauté d’origine de Misty dans le Nord n’avait pas les ressources pour répondre à ses besoins. JCS administre de nombreux foyers d’accueil dans le sud de l’Ontario. Ces foyers appartiennent habituellement à l’agence ou sont loués par JCS. Des parents de foyer d’accueil y vivent et fournissent des soins aux enfants, assistés en cela par des employé(e)s rémunéré(e)s.
41 À titre de fournisseur de services en établissement résidentiel, Johnson Children’s Services doit détenir un permis du ministère et doit remettre une copie de son permis à la société d’aide à l’enfance avant le placement d’un enfant dans un foyer[16].
42 JCS avait un historique inégal en matière de conformité aux exigences du ministère. Par exemple, lorsque le ministère a mené une vérification standard des activités de l’agence pour le renouvellement de son permis en mars 2016, vingt-et-un (21) « cas de non-conformité » ont été relevés. Ceux-ci incluaient des problèmes dans les domaines suivants :
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La documentation et les procédures afférentes à la gestion de situations à risque élevé et à l’administration de psychotropes;
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L‘examen par le personnel des politiques d’administration, de rangement et d’élimination sécuritaires des médicaments;
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La connaissance par le personnel des procédures de signalement d’incidents graves;
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La connaissance par le personnel des exigences liées au « devoir de signalement »;
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Le manque de connaissances du personnel entourant les situations à risque élevé en lien avec la prise de psychotropes.
43 En conséquence, en mai 2016, le ministère ajoutait des conditions additionnelles au permis de JCS. L’agence devait "mettre en œuvre des mesures correctives pour assurer la santé, la sécurité et le bien-être des enfants et corriger les lacunes de formation de son personnel". Les termes et conditions additionnelles incluaient :
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Effectuer tous les mois une analyse de la tendance des incidents graves, consigner les résultats et en informer le ministère;
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Veiller à ce que tous(tes) les membres du personnel et parents des foyers d’accueil intervenant auprès de jeunes vulnérables reçoivent une formation sur les besoins particuliers de ces jeunes;
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Veiller à ce que tous(tes) les membres du personnel et parents des foyers d’accueil soient conscients de leurs responsabilités et de leurs rôles respectifs à l’égard des enfants dont ils ont la charge;
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Veiller à ce que tous(tes) les membres du personnel soient conscient(e)s de leur rôle auprès des jeunes qui reçoivent du soutien individuel; et consigner cette information dans un journal de bord que peuvent consulter sur demande les SAE chargées des placements et le ministère;
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Veiller à ce que des protocoles individuels de sécurité soient établis pour tous les jeunes pris en charge.
44 Deux mois plus tard, en juillet 2016, en réponse à des préoccupations soulevées par l’ancien intervenant provincial en faveur des enfants et des jeunes de l’Ontario, le ministère a effectué des visites surprises dans les foyers d’accueil administrés par JCS à Thunder Bay. Le ministère a relevé plusieurs domaines de non-conformité, notamment :
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Formation liée aux incidents graves et au devoir de signalement;
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Embauches pour la vérification des références et des antécédents judiciaires;
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Documentation des dossiers des jeunes (absence de plans de sécurité individuels).
45 Le 16 août 2016, le ministère a fait parvenir un avis écrit à JCS l’informant que son permis était à nouveau modifié et assujetti à des modalités et conditions additionnelles, incluant les exigences suivantes :
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Chaque trimestre, soumettre au ministère un plan de sécurité individuel pour chaque jeune, lequel plan devait inclure une procédure « pour assurer la santé, la sécurité et le bien-être de l’enfant ou du(de la) jeune en décrivant ses besoins, les comportements affichés, les éléments déclencheurs, les stratégies efficaces et la manière de gérer les situations qui se présentent »;
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Fournir au ministère une liste de contrôle attestant que l’aptitude à travailler auprès de personnes vulnérables et les références avaient été vérifiées et que les employé(e)s et les parents des foyers d’accueil avaient suivi une formation ou une séance d’orientation;
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Remettre au ministère un horaire indiquant, entre autres choses, les heures auxquelles les parents des foyers d’accueil sont sur place, les heures auxquelles les employé(e)s y travaillent, quand les parents des foyers d’accueil sont en congé et remplacé(e)s par des employé(e)s et quand un(e) préposé(e) est affecté(e) au soutien individuel d’un enfant ou d’un(e) adolescent(e) et est rémunéré(e) pour ce faire par l’agence de placement.
46 Le 17 mars 2017, le ministère a délivré un permis provisoire de six mois à Johnson Children’s Services. Le permis était assujetti à une condition additionnelle : JCS était tenu de remettre une copie de son permis actuel à toute agence dont un des enfants avait été placé dans un des foyers d’accueil de JCS en particulier, et de lui faire parvenir une confirmation écrite de s’être plié à cette exigence.
47 Après avoir reçu six plaintes au sujet de JCS et suivant le décès d’un(e) résident(e) d’un foyer d’accueil à Thunder Bay, le ministère a effectué d’autres visites surprise dans les foyers administrés par JCS dans Thunder Bay. Peu de temps après, le ministère a modifié le permis de JCS, exigeant la fermeture immédiate de ses trois foyers d’accueil dans Thunder Bay et lui interdisant d’exploiter de nouveaux foyers d’accueil ou d’accepter de nouveaux enfants dans ses foyers d’accueil toujours en service. Parmi les problèmes, le ministère avait constaté que la formation d’une mère responsable d’un foyer d’accueil se limitait à une formation en ligne et à la lecture du cartable des documents de JCS. Par ailleurs, celle-ci ne comprenait pas la raison d’être du soutien individuel.
48 Lorsque j’ai mené mon enquête, Johnson Children’s Services était titulaire d’un permis « normal » assujetti à des modalités et conditions générales et à certaines conditions additionnelles imposées par le ministère. En réponse à des préoccupations soulevées antérieurement, le ministère avait imposé à JCS des conditions plus restrictives auxquelles devait se plier l’agence pour conserver son permis. Ces conditions comprenaient notamment l’obligation de soumettre au ministère l’horaire de travail mensuel du personnel où figuraient les noms des employé(e)s affecté(e)s à chacun des foyers d’accueil, leur rôle, le temps passé dans le foyer et les services qu’ils fournissaient aux enfants pris(ses) en charge. JCS devait également créer un plan de sécurité individuel pour tous(tes) les enfants et, dans le cas d’enfants ayant déjà fugué, les plans devaient décrire des stratégies visant à prévenir ce comportement et préciser comment les parents des foyers d’accueil et le personnel devaient réagir si un(e) enfant faisait une fugue. Enfin, les conditions du permis exigeaient que JCS se dote d’un mécanisme pour communiquer régulièrement et systématiquement avec les parents de ses foyers d’accueil.
49 Lorsque l’on place un(e) enfant dans un foyer d’accueil à une grande distance de sa communauté d’origine, il est fréquent pour la société d’aide à l’enfance responsable du placement de conclure une entente d’assistance de supervision avec la SAE située dans la région géographique où se trouve le foyer d’accueil. L’entente type comprend des modalités pratiques, les renseignements pertinents au sujet de l’enfant, les exigences de rapports entre les sociétés d’aide à l’enfance et des recommandations entourant la fréquence des contacts avec l’enfant. De cette façon, on s’assure que l’enfant peut rencontrer un(e) intervenant(e) de la SAE sur une base régulière et que la SAE responsable du placement a un moyen pratique de surveiller le bien-être de l’enfant. Un protocole provincial entre organismes complète habituellement ces dispositions. On y décrit les procédures à suivre lorsque différentes sociétés d’aide à l’enfance interviennent auprès d’une même famille ou d’un(e) même enfant.
50 Lorsque Misty a été placée dans un foyer d’accueil administré par JCS loin de sa communauté d’origine, la SAE du sud-ouest de l’Ontario, en apprenant son placement, a désigné un employé pour aider à sa supervision. Ainsi, Misty avait une intervenante de la SAE Anishinaabe Abinoojii Family Services affectée à son dossier ainsi qu’un intervenant de la SAE du sud-ouest.
51 La LSEJF et ses règlements, les lignes directrices ministérielles et les modalités et conditions générales des permis des agences responsables de foyers d’accueil définissent les divers pouvoirs et devoirs conférés aux sociétés d’aide à l’enfance et aux titulaires de permis d’établissement résidentiel lorsqu’un(e) enfant est porté disparu(e). Les titulaires de permis d’établissement résidentiel doivent remettre un rapport au ministère (connu sous le nom de « rapport d’incidents graves ») lorsqu’un(e) enfant ou un(e) adolescent(e) disparaît de son foyer sans permission pendant 24 heures - ou moins de 24 heures si le titulaire du permis juge que l’absence de l’enfant est un « incident grave »[17]. Le titulaire du permis est également tenu d’aviser la SAE responsable du placement de l’enfant et la police.
52 Les sociétés d’aide à l’enfance ainsi que les titulaires de permis d’établissement résidentiel sont tenus, en vertu du règlement, d’informer mon Bureau par écrit et sans délai démesuré, s’ils apprennent le décès ou sont informés de lésions corporelles graves subies par un(e) enfant qui a demandé ou obtenu des services au cours des douze derniers mois (connu sous le nom de « rapport sur le décès et les lésions corporelles graves »)[18]. En outre, ils doivent aussi informer les enfants des services offerts par mon Bureau et leur donner nos coordonnées[19].
53 Les sociétés d’aide à l’enfance ont de vastes pouvoirs lorsqu’un(e) enfant est porté disparu. Pour aider à protéger les enfants porté(e)s disparu(e)s, les sociétés d’aide à l’enfance peuvent obtenir des mandats pour appréhender les enfants qui ont quitté leur foyer d’accueil sans permission et les ramener dans un lieu sûr[20].
54 Les Normes de la protection de l’enfance de l’Ontario sont établies par le ministère et elles définissent le cadre et le niveau de service auxquels s’attend le ministère de la part des sociétés d’aide à l’enfance[21]. Les normes tiennent pour acquis qu’une certaine marge de manœuvre est requise pour répondre aux besoins uniques et complexes des enfants et elles permettent, par conséquent, des « dérogations » dans certaines circonstances. Il reste cependant que l’objectif principal des services de protection de l’enfance demeure toujours la sécurité et le bien-être de l’enfant. Les dérogations aux normes sont également acceptées pour des raisons qui échappent au contrôle des intervenant(e)s (par exemple, si l’enfant et la famille ne sont pas disponibles pour une entrevue), pourvu qu’un(e) superviseur(se) les examine et les approuve[22].
55 La norme encadrant la prise de notes est la plus pertinente dans le cas de la présente enquête. Cette norme s’applique à toutes les phases des services de protection de l’enfance. Elle exige que le personnel verse au dossier de l’enfant des notes rédigées au moment de l’incident que ses notes contiennent la date, l’heure, la méthode de contact et le nom des personnes engagées dans la discussion ou dont il est question dans la discussion, ainsi que les dates, les décisions et les observations importantes reliées au contact[23]. Les normes indiquent que la prise de notes immédiate en assure l’exactitude et que remettre cet exercice nuit à la capacité des intervenant(e)s de se souvenir de façon impartiale de faits importants.
56 Dans certaines situations, les sociétés d’aide à l’enfance et les titulaires de permis d’établissement résidentiel doivent remettre au ministère un rapport lorsque survient un incident grave impliquant un(e) enfant ayant des interactions avec le système de protection de l’enfance[24]. Les lignes directrices des rapports d’incidents graves du ministère définissent des exigences précises liées à ces rapports et elles s’appliquent, entre autres, aux agences responsables de foyers d’accueil titulaires de permis et à d’autres fournisseurs de services en établissement[25].
57 Les lignes directrices du signalement d’incidents graves établissent deux niveaux d’incidents graves : niveau 1 et niveau 2[26]. Les incidents de niveau 1 doivent être signalés dans l’heure où l’organisme en prend connaissance. Les incidents de niveau 2 doivent être signalés dès que possible, mais au plus tard 24 heures après que le fournisseur de services ait été mis au courant de l’incident. Les fournisseurs de services doivent produire une mise à jour de la situation pour le ministère tous les sept jours ouvrables au moins (ou selon les indications du ministère) et doivent continuer de faire des mises à jour jusqu’à ce que le ministère indique que ce n’est plus nécessaire[27].
58 Dans le cas d’enfants disparus, les lignes directrices du signalement recommandent d’attribuer un « niveau 1 » aux situations où l’absence de l’enfant « soulève de graves inquiétudes à l’égard de la sécurité de la personne » et un « niveau 2 » dans d’autres circonstances. Dans les situations de niveau 1, le ministère doit être avisé dans l’heure de l’incident et dans les situations de niveau 2, dans les 24 heures[28].
59 Un Rapport d’incidents graves à l’égard de la disparition d’un(e) enfant doit inclure les éléments suivants :
-
Indiquer si l’enfant présente un risque grave pour lui(elle)-même ou les autres;
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Préciser les mesures prises pour retrouver l’enfant;
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Expliquer comment la disparition de l’enfant est survenue (on donne comme exemple la traite de personnes);
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Indiquer si l’enfant a des antécédents de disparition ou de fugue;
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Décrire l’état d’esprit de l’enfant;
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Indiquer où se trouvait le personnel au moment de la disparition de l’enfant;
-
Donner une indication du moment où l’enfant est revenu(e)[29].
60 Selon les lignes directrices du signalement, dans la plupart des circonstances, ce sont les fournisseurs de services en établissement qui ont la responsabilité en premier lieu de signaler un incident grave relié à la disparition d’un(e) enfant de son foyer d’accueil[30].
61 Le ministère a publié deux guides à titre de référence pour les organismes et les personnes fournissant des services à des enfants pris(ses) en charge.
62 Le Guide des politiques relatives aux enfants pris en charge a été produit par le ministère en 1985. Il intègre dans un seul document les politiques, lignes directrices et mesures législatives pertinentes de ce moment-là (Loi sur les services à l’enfance et à la famille). Malgré sa publication datant de près de 40 ans, il est encore une ressource utile, illustrant les pratiques exemplaires et décrivant les rôles et les responsabilités des sociétés d’aide à l’enfance responsables du placement d’enfants et des fournisseurs de services en établissement résidentiel[31]. Par exemple, on y précise que l’exploitant d’une résidence/foyer d’accueil doit assurer la tenue de dossiers et veiller à la mise en place de politiques et de procédures appropriées ainsi qu’à la formation du personnel en conséquence[32].
63 Un autre guide similaire publié par le ministère en 2012, le Manuel sur la délivrance des permis de soins en famille d’accueil, porte sur les exigences d’octroi de permis définies par la loi et les règlements pertinents de ce moment-là. Il précise également le « seuil minimum de soins que doit fournir un titulaire de permis de foyer d’accueil »[33] et confirme qu’un titulaire de permis doit respecter la législation sur la protection de l’enfance, les règlements connexes et les politiques et procédures du ministère[34]. En juin 2020, le ministère a publié de nouvelles directives, sous le nom de Cadre de normes de qualité de l’Ontario, qui porte sur des politiques similaires régissant les services en établissement agréés[35]. Ce cadre est en cours de mise en œuvre par voie de règlement; il ne contenait pas d’exigences pour les titulaires de permis d’établissement résidentiel au moment de la disparition de Misty.
64 Johnson Children’s Services avait également ses propres politiques et procédures internes régissant ses activités. Trois volets du Guide des politiques et procédures de JCS étaient pertinents ce qui concerne notre enquête : les volets consacrés au « journal de bord », aux « incidents graves » et au « protocole lorsqu’un enfant est porté disparu ».
65 Selon les politiques et procédures de JCS, les parents des foyers d’accueil doivent tenir un « journal de bord » pour chaque enfant dont ils ont la charge. Ils doivent y consigner, entre autres choses, des incidents inhabituels, des évènements ou des comportements et situations qui ont une incidence sur la santé, la sécurité et le bien-être de l’enfant[36]. Les politiques précisent que la tenue du journal de bord a pour but de soutenir la « continuité des soins » et que tout renseignement susceptible d’être utile à de futurs fournisseurs de soins devrait être consigné.
66 Le guide reconnaît et opérationnalise expressément les lignes directrices de signalement d’incidents graves du ministère. Il dresse une liste de détails précis à inclure dans le Rapport d’incidents graves, notamment « l’État actuel (santé et sécurité) des personnes impliquées ». Aussi, on y définit les rôles et les responsabilités du personnel de JCS pour ces rapports.
67 Le protocole et les procédures de JCS dans le cas de la disparition d’un(e) enfant précisent en détail les mesures à prendre dans une telle situation. On y décrit le rôle et les responsabilités des différentes personnes, incluant du fournisseur de services lui-même, des parents des foyers d’accueil et d’autres acteurs. On y aborde également la façon dont les risques pour l’enfant seront évalués lors de la détermination d’une réponse, et quelle sera la réponse en fonction de cette évaluation. On y fournit des précisions sur le partage de l’information entre les différentes parties, et on y présente des stratégies pour éviter une nouvelle disparition de l’enfant.
68 La SAE Anishinaabe Abinoojii Family Services (AAFS) avait également des politiques et des procédures encadrant les services aux enfants dont elle a la charge. Sont particulièrement pertinentes à la présente enquête les procédures entourant le placement d’enfants à l’extérieur de leur communauté d’origine et les obligations de la SAE lorsqu’un(e) enfant est porté(e) disparu(e).
69 Lorsque des enfants sont placé(e)s à l’extérieur de leur communauté d’origine, la politique d’AAFS stipule que ces enfants doivent être placé(e)s dans un foyer en mesure de répondre à leurs besoins. Les décisions relatives au placement doivent correspondre aux priorités décrites. Par exemple, la priorité est de placer l’enfant auprès de sa famille élargie dans sa communauté d’origine, lorsque c’est possible. Sinon, on envisage son placement dans une autre communauté, mais toujours auprès de sa famille élargie. Si ce n’est pas possible, par la suite, un placement dans une famille allochtone est envisagé dans la communauté d’origine. Ce n’est qu’en dernier recours que l’enfant est confié(e) à une agence externe qui fournit des services en foyer d’accueil ou de groupe, comme cela a été le cas pour Misty.
70 Si un(e) enfant disparaît, la politique stipule que tous les efforts doivent être faits pour le(la) retrouver et le(la) ramener dans un lieu sûr le plus tôt possible. On insiste sur le fait que la sécurité et la protection de l’enfant priment sur tout le reste et que l’intervenant(e) social(e) de l’enfant, ses autres fournisseurs de soins et d’autres employé(e)s de la SAE responsable de son placement doivent participer aux efforts concertés pour retrouver l’enfant. Ces efforts peuvent consister à communiquer avec des amis ou d’autres personnes qui sont susceptibles de savoir où se trouve l’enfant, et de se rendre dans les endroits que fréquentent l’enfant. La politique dicte expressément de signaler la disparition de l’enfant à la police.
71 De la même manière, la SAE du sud-ouest de l’Ontario a ses propres politiques et procédures. Les plus pertinentes dans le cadre de la présente enquête sont celles qui touchent la disparition d’enfants et de jeunes. En vertu de ces politiques, le fournisseur de soins doit aviser la SAE dès qu’est constatée la disparition d’un(e) enfant. Le(la) membre du personnel qui reçoit cet avis doit immédiatement en informer son(sa) superviseur(se).
72 La politique note que la police locale a deux niveaux d’intervention dans le cas de personnes disparues : niveau 1 (risque identifiable) et niveau 2 (risque non identifiable) et que les facteurs de risque sont déterminés à l’aide d’un questionnaire. Répondre « oui » à l’une ou l’autre des questions entraine une classification de niveau 1. Par exemple : la personne disparue est-elle âgée de moins de 16 ans et se prostitue-t-elle ou consomme-t-elle de la cocaïne, de l’héroïne, de la méthamphétamine en cristaux ou autre drogue similaire ?
73 Dans la plupart des situations, les politiques stipulent que l’intervenant(e) social(e) de l’enfant doit contacter des personnes clés que l’enfant est susceptible de contacter et qui pourraient aider à le(la) localiser.
74 Les politiques de la SAE mentionnent également la possibilité d’obtenir un « mandat d’appréhension » en vertu de l’article 83 de la LSEJF dans des situations où l’intervenant(e) de la SAE locale s’attend à ce qu’il soit difficile de ramener l’enfant. Ces mandats donnent à la police le pouvoir d’entrer dans des lieux où peut se trouver l’enfant sans avoir à obtenir d’autres types de mandats. Les politiques indiquent également que la police a le pouvoir d’appréhender un enfant âgé de moins de 16 ans sans mandat si elle croit que celui-ci(celle-ci) a besoin de protection. On y souligne que la police considère habituellement qu’un(e) enfant âgé de moins de 16 ans présente un risque élevé de subir des préjudices.
75 L’expérience de Misty doit également être considérée dans le contexte social plus large de la vulnérabilité des jeunes filles autochtones qui sont portées disparues. De nombreux rapports et de multiples études ont analysé la violence et l’oppression dont font l’objet les Autochtones[37], mais le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées[38] rendu public en 2019 présente un sommaire exhaustif des circonstances uniques auxquelles font face les jeunes filles autochtones comme Misty.
76 Comme il est documenté dans le rapport, par des politiques ciblées visant à rompre leurs liens culturels et familiaux, la colonisation a modifié la relation des membres des Premières Nations, des Inuits et des Métis avec leur culture et leur identité. Les pensionnats autochtones, la rafle des années 60, les politiques gouvernementales et autres d’assimilation ont été le point de départ d’autres formes de violence que subissent de nos jours les femmes et les jeunes filles autochtones. Le rapport souligne que le système de protection de l’enfance en particulier a créé des conditions qui ont entretenu la violence au sein des familles, des communautés et des groupes autochtones au Canada[39].
77 Le rapport établit également un lien direct entre les systèmes actuels de protection de l’enfance et la disparition et l’assassinat de femmes et de jeunes filles autochtones. De nombreuses recommandations du rapport portent sur la façon d’améliorer l’impact de la protection de l’enfance sur les enfants autochtones et leurs familles. Le rapport conclut que le système de protection de l’enfance ne répond pas aux besoins des enfants et des jeunes autochtones et ne les protège pas contre la violence et l’exploitation. Ceci a facilité la tâche des trafiquants d’êtres humains pour cibler les enfants et les jeunes autochtones pris(ses) en charge afin de les exploiter sexuellement[40]. Le rapport demande à toutes les agences de protection de l’enfance d’assujettir les foyers d’accueil et de groupe à des exigences plus rigoureuses en matière de sécurité, de prévention de méfaits et de services fondés sur les besoins afin de prévenir le recrutement des enfants autochtones pris en charge par l’industrie du sexe[41].
78 Bien qu’il n’existe pas de chiffres précis, plusieurs études ont estimé qu’une majorité de personnes faisant l’objet de trafic sexuel au Canada sont autochtones[42]. Les recherches ont permis de dégager certaines des causes fondamentales qui placent souvent les jeunes filles autochtones à risque d’exploitation sexuelle, notamment la pauvreté et l’itinérance, la consommation de drogues, des problèmes de santé mentale et un historique de violence[43]. Les chercheur(euse)s ont également identifié que la transition des jeunes Autochtones d’une communauté ou réserve aux liens serrés vers une grande ville peut également ajouter un sentiment d’isolement profond, un autre facteur de risque propre aux victimes de trafic sexuel. Une étude révèle, par ailleurs, que c’est autour de l’âge de 13 ou 14 ans que les jeunes filles font souvent l’objet de trafic sexuel[44].
79 Afin de mieux comprendre la répercussion des évènements survenus et la conduite des divers organismes d’aide à l’enfance responsables des soins de Misty, il est important d’analyser son histoire et son vécu personnels avant son arrivée dans le sud-ouest de l’Ontario à l’été 2020. À treize ans, Misty traînait déjà un lourd bagage de problèmes, de traumatismes et de deuils.
80 Les liens de Misty avec les services de protection de l’enfance ont commencé en 2006, lorsqu’elle était nouveau-née. Elle fut officiellement confiée pour la première fois aux soins d’Anishinaabe Abinoojii Family Services le 10 octobre 2007. Au fil des ans, AAFS intervenait périodiquement auprès de Misty pour assurer sa protection en raison de la consommation parentale d’alcool et de drogues, d’un manque de surveillance, de négligence et de violence familiale. Lorsqu’elle ne vivait pas avec sa mère ou d’autres membres de sa famille, Misty était placée dans divers foyers d’accueil.
81 Misty a été diagnostiquée d’un trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention et d’un trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale, lesquels entraînent de graves problèmes de comportement. Bon nombre de personnes qui la connaissent disent qu’elle a du mal à maîtriser ses pulsions et peut être facilement manipulée ou influencée.
82 Ses contacts les plus récents avec le système de protection de l’enfance ont commencé en 2019 après son déménagement dans une grande municipalité du nord-ouest de l’Ontario pour aller à l’école. À son arrivée dans cette ville, Misty a demeurait chez sa mère. Pendant cette période, elle a passé beaucoup de temps à vivre dans la rue, et la police provinciale locale a reçu vingt-deux appels liés à sa sécurité. On nous a dit que Misty consommait régulièrement des drogues dures comme la méthamphétamine. La police locale et des intervenant(e)s d’AAFS soupçonnaient fortement qu’elle était victime d’agression sexuelle et de trafic sexuel de la part d’hommes plus âgés. Un homme âgé de 40 ans avait été accusé d’agression sexuelle à son endroit.
83 AAFS a conclu le 14 juin 2019 une entente de soins conformes aux traditions dans le cadre de la prise en charge de Misty[45]. Le jour suivant, le père de Misty est décédé de manière inattendue. Ce décès soudain et tragique a aggravé les problèmes de santé mentale de Misty. Elle est demeurée dans le placement assujetti à l’entente de soins conformes aux traditions jusqu’au 12 novembre 2019, lorsque AAFS l’a placée dans un des foyers d’accueil qu’elle administrait localement.
84 En janvier 2020, l’état de santé mentale de Misty s’est détérioré au point qu’elle a dû être hospitalisée pendant une semaine. Anishinaabe Abinoojii Family Services a reconnu ne pas posséder de ressources appropriées pour répondre à ses besoins complexes. L’organisme a consenti d’énormes efforts pour lui trouver un placement à proximité de sa communauté d’origine. Plusieurs témoins interviewé(e)s dans le cadre de notre enquête ont mis en relief le nombre limité de placements dans le nord de l’Ontario adaptés aux besoins d’enfants comme Misty. Le personnel d’AAFS nous a dit qu’il n’y avait pas d’endroit dans sa communauté ou dans le secteur environnant où Misty pouvait vivre en sécurité. Chaque tentative de placement avait échoué en raison de la recherche de drogues par Misty et de ses comportements menaçants et violents. Après avoir épuisé toutes les ressources à sa disposition dans le nord de l’Ontario, AAFS a envisagé comme dernier recours des options de placement dans le sud de l’Ontario.
85 Des membres du personnel d’AAFS nous ont dit qu’ils(elles) croyaient que les « foyers d’accueil thérapeutiques » du sud de l’Ontario fourniraient à Misty les ressources et le soutien médical professionnel dont elle avait cruellement besoin. À vrai dire, la désignation de « foyer d’accueil thérapeutique » ne veut pas dire grand-chose[46]. Aucune norme ne s’y applique et les fournisseurs de foyers d’accueil qui se désignent comme tels ont beaucoup de marge de manœuvre pour décrire leurs services.
86 L’intervenante sociale de Misty chez AAFS avait peu d’expérience dans le placement d’enfants dans le sud de l’Ontario. Plusieurs membres du personnel d’AAFS nous ont décrit à quel point il avait été difficile de trouver un foyer d’accueil qui acceptait de prendre en charge Misty et de répondre à ses besoins complexes. La majorité des foyers d’accueil contactés ont indiqué ne pas être en mesure de répondre à ses besoins, après avoir pris connaissance du dossier de Misty.
87 En fin de compte, AAFS a trouvé un foyer d’accueil pour elle dans le sud-ouest de l’Ontario. Le premier placement a commencé le 6 février 2020, mais s’est écroulé presque sur-le-champ. La documentation au dossier suggère que Misty était mécontente de son placement dans un foyer d’accueil allochtone et dans un milieu qui comptait très peu de personnes autochtones. Son comportement s’est détérioré et, alors qu’elle attendait un changement de placement, elle s’est enfuie avec une autre adolescente du même foyer. Sa conduite a mené à une intervention policière et elle a été admise à l’hôpital pour la nuit le 14 février. Elle a été placée, le 15 février, dans un autre foyer d’accueil de la région, puis prise en charge, le 18 février, par son intervenante sociale d’AAFS venue du nord de l’Ontario pour aider.
88 Misty et son intervenante sociale sont demeurées à l’hôtel durant quelques jours et l’intervenante s’est attelée à nouveau à la tâche ardue de trouver un foyer d’accueil qui accepterait Misty et serait en mesure de répondre à ses besoins. Le 21 février, l’intervenante y est parvenue et Misty a commencé un nouveau placement en foyer d’accueil, cette fois dans le sud-est de l’Ontario.
89 Le 25 février, Anishinaabe Abinoojii Family Services recevait un appel de la police l’avisant que Misty serait accusée de méfaits pour avoir vandalisé la résidence et agressé le personnel du foyer d’accueil. Elle a été arrêtée le 4 mars et détenue par la police. Un(e) policier(ière) a consigné dans le rapport sur l’incident que le foyer d’accueil n’était pas en mesure de répondre aux besoins de Misty. Elle est demeurée détenue par la police pendant plus d’une semaine. Le 11 mars, elle a été remise à la garde de son intervenante sociale d’AAFS, puisque que le foyer d’accueil ne pouvait pas la reprendre.
90 Une fois de plus, l’intervenante sociale de Misty s’est mise à la recherche d’un placement appropriée, mais de nombreux foyers lui ont dit ne pas être en mesure de répondre à ses besoins. Une haute dirigeante d’Anishinaabe Abinoojii Family Services a décrit la situation dans les termes crus suivants :
« Le désespoir s’installe. Tu sais que tu n’as pas les ressources requises [pour Misty] ici. Si on la ramène ici, elle sera fera l’objet de traite, elle recommencera vraisemblablement à consommer à temps plein de la méthamphétamine et mourra. C’est à ça que tu penses quand tu cherches désespérément à lui trouver un [placement]. »
91 Johnson Children’s Services a accepté de confier Misty à un de ses foyers d’accueil dans une autre région du sud-ouest de l’Ontario. Elle est allée y vivre le 11 mars. AAFS et JCS ont conclu une entente définissant les conditions et modalités de placement et de soins de Misty. Une préposée lui était affectée individuellement.
92 Notre bureau a examiné la trousse d’admission liée au placement de Misty remise à JCS. Elle contenait des renseignements détaillés sur les besoins de Misty et sur les problèmes qu’elle avait eus dans ces autres placements en foyer d’accueil. On y mentionnait expressément sa consommation de drogues et d’alcool, ses diagnostics médicaux pertinents et la crainte qu’elle fasse l’objet de traite de personnes.
93 Même si JCS était disposé à recevoir Misty, il y avait des raisons de s’inquiéter. Une haute dirigeante d’AAFS nous a dit qu’un(e) employé(e) d’une société d’aide à l’enfance du sud de l’Ontario avait déconseillé à AAFS de placer des enfants dans les foyers d’accueil administrés par JCS. Cependant, AAFS considérait ne pas avoir d’autres choix à ce moment-là.
94 Misty s’est mieux adaptée à ce nouveau foyer d’accueil qu’aux précédents et les notes au dossier de l’époque que nous avons consultées donnent à penser qu’elle s’entendait avec la mère du foyer d’accueil et les autres jeunes qui y résidaient. Nous savons que Misty était encadrée personnellement et était surveillée en tout temps. Elle suivait régulièrement des séances de counseling et s’adaptait bien au milieu.
95 Puis, au printemps 2020, on lui a annoncé une autre perte tragique. Son frère adolescent était décédé dans un accident de voiture. Après être rentrée au foyer d’accueil à la suite des funérailles de son frère dans le nord-ouest de l’Ontario, Misty a commencé à avoir des comportements de plus en plus dangereux, incluant la consommation de drogues et des fugues. Elle a refusé des séances de counseling pour personnes en deuil et, malgré le soutien individuel d’une préposée, la mère responsable du foyer d’accueil ne se sentait pas apte à répondre aux besoins de Misty et a demandé qu’on la retire du foyer. Au début de l’été 2020, Johnson Children’s Services a donc transféré Misty en urgence, au cours d’un weekend, dans un autre de ses foyers d’accueil du sud-ouest de l’Ontario.
96 Misty ne s’est pas bien adaptée au nouveau foyer d’accueil dans cette autre région du sud-ouest de l’Ontario. Étant donné que la SAE d’Anishinaabe Abinoojii Family Services n’avait pas été informée à l’avance par JCS du déplacement de Misty, son intervenante sociale n’était pas présente pour l’aider à s’adapter à son nouvel environnement. La mère responsable du foyer d’accueil se souvient que la travailleuse de JCS qui accompagnait Misty dans cette nouvelle ville était entrée dans la résidence, avait déposé les bagages de Misty au sol en disant que c’était tout ce dont elle avait besoin, et était partie.
97 La mère du foyer d’accueil nous a dit qu’on ne l’avait pas informée au préalable des problèmes récents de Misty. Toutefois, le plan de sécurité qu’avait élaboré JCS pour Misty mettait en relief ses nombreux facteurs de risque et ses comportements difficiles. Le plan définissait différentes stratégies à appliquer, notamment celle de tenir Misty occupée et de communiquer immédiatement avec la police si elle faisait une fugue. On y indiquait également que Misty devait être surveillée en tout temps. La spécialiste des ressources de JCS, la personne dont le rôle était de recruter et de former les parents responsables des foyers d’accueil, de veiller au respect des règles applicables et d’agir à titre de liaison auprès des foyers d’accueil nous a dit que la mère responsable du foyer d’accueil et les membres du personnel travaillant dans le foyer avaient pris connaissance de ce plan. Cependant, il n’y avait aucun document attestant du moment où cela s’était produit. Dans l’ensemble, les membres du personnel que nous avons interviewé(e)s individuellement nous ont dit ne pas avoir été au courant du plan de sécurité de Misty, ni des stratégies qu’on y définissait.
98 Misty s’est enfuie la journée même de son arrivée dans le nouveau foyer d’accueil. Elle est rentrée le jour suivant. Elle s’est enfuie à nouveau quelques jours plus tard et a lancé des pierres à l’employé(e) qui a tenté de la suivre. Elle est rentrée plus tard cette nuit-là et a reçu un avertissement de la police.
99 Misty s’est enfuie pour une troisième fois moins d’une semaine plus tard. Lorsqu’elle a été retrouvée sur une voie publique près du foyer par la spécialiste des ressources de JCS l’après-midi suivant sa fugue, Misty lui a dit avoir été agressée. La mère du foyer d’accueil a dit que Misty, à ce moment-là, était sale, couverte de sang et d’ecchymoses; elle avait les cheveux en désordre, du sang coulait le long de ses jambes et de petits insectes rampaient sur sa peau. Elle portait les vêtements de quelqu’un d’autre, incluant des bottes de combat scotchées à ses pieds. On a appelé les services médicaux d’urgence et la police, et Misty a été conduite à l’hôpital. Elle a été contrôlée positive au cannabis et aux amphétamines.
100 La société d’aide à l’enfance locale n’était pas au courant de la présence de Misty dans le sud-ouest de l’Ontario avant son admission à l’hôpital. À cette période, la police a informé la SAE locale que Misty avait été portée disparue à plusieurs reprises depuis son arrivée dans la région moins de deux semaines auparavant. La SAE du sud-ouest a affecté presque immédiatement une intervenante de son unité autochtone au dossier de Misty.
101 L’intervenante de la SAE du sud-ouest a rencontré Misty peu de temps après. Dans ses notes, on peut lire que Misty était très silencieuse et semblait éprouver un « immense choc culturel ». Cette même journée, un policier du nord-ouest de l’Ontario envoyait un courriel au service de police de la nouvelle région où elle se trouvait. Il connaissait Misty et voulait informer l’Unité de la traite des personnes de ses vulnérabilités particulières. Ce policier croyait que Misty risquait de mourir d’une surdose ainsi que d’être victime de trafic de personnes. Il y avait des preuves comme quoi elle avait été victime d’agressions sexuelles, et une accusation d’agression sexuelle était en instance. Il avait bien peur que Misty ne devienne aisément une autre fille autochtone disparue ou assassinée.
102 Deux jours après sa rencontre avec l’intervenante du SAE du sud-ouest, Misty a à nouveau disparu, cette fois pour deux jours. La police l’a ramenée à son foyer d’accueil.
103 Au cours des deux premières semaines de son placement, Misty était la seule enfant résidant dans le foyer. Les règles étaient peu nombreuses et elle pouvait déterminer son propre horaire, ce qui signifiait généralement qu’elle restait debout très tard la nuit et dormait une bonne partie de la journée. On nous a dit que différent(e)s employé(e)s étaient présent(e)s en rotation dans le foyer, mais qu’il y avait des périodes sans supervision adulte. Bien que cette situation soit troublante dans tous les cas, elle l’était d’autant plus que dans le guide des politiques de Johnson Children’s Services, on affirmait que le ratio adulte-enfant des foyers était élevé et que le milieu de vie familial était hautement structuré et étroitement supervisé.
104 Environ deux semaines après le placement de Misty dans le foyer en question, une deuxième fille est venue y habiter, suivie quelque temps après d’une troisième. Misty ne s’entendait pas avec l’une de celles-ci et il y avait souvent des conflits entre elles.
105 À un moment, Misty s’en est prise sérieusement à l’une des jeunes filles; elle s’est mise à lancer des tasses et d’autres objets à la mère du foyer d’accueil et aux autres résidentes. Elle a appelé elle-même la police et a quitté les lieux. Elle est revenue un peu plus tard et a lancé des briques et d’autres objets sur la maison, fracassant des vitres. Puis, elle a brisé le pare-brise et les vitres de la voiture de la mère du foyer d’accueil et en a tailladé l’intérieur.
106 Lorsque la police est arrivée, elle a été accusée de méfaits et d’avoir proféré des menaces. Elle est demeurée sous la garde de la police une nuit pendant que la SAE du sud-ouest tentait de joindre un(e) membre du personnel de la SAE Anishinaabe Abinoojii Family Services pour savoir où placer Misty lorsqu’elle serait relâchée. Le foyer d’accueil n’était pas disposé à la reprendre et de toute manière, en vertu des conditions de sa libération sous caution, elle n’était pas autorisée à y retourner.
107 La situation était très difficile pour Misty. Elle a dit à plusieurs personnes qu’elle se sentait proche de la mère de ce dernier foyer d’accueil et qu’elle aimait vivre avec elle. Elle ne voulait pas d’un autre placement.
108 En fin de compte, JCS a accepté de placer Misty dans un autre foyer d’accueil dans la même région. La police l’a relâchée et conduite dans ce nouveau foyer d’accueil. Son intervenante de la SAE du sud-ouest et la spécialiste des ressources de JCS l’ont aidée à s’installer.
109 Misty a passé très peu de temps dans ce deuxième foyer d’accueil d’une ville du sud-ouest de l’Ontario. Peu de temps après son déménagement, elle s’est présentée dans son foyer d’accueil précédent. Elle a cependant quitté les lieux après avoir refusé d’être ramenée à son nouveau foyer d’accueil, disant chercher quelqu’un avec qui faire la fête et prendre de la drogue. Sa disparition a été signalée à la police. Elle est revenue plus tard cette nuit-là.
110 Le jour suivant, elle s’est enfuie à nouveau. L’incident s’est produit lorsqu’une employée a accompagné Misty et « Ella », une autre jeune résidente du foyer, au parc. Même si Misty devait être encadrée sur une base individuelle en tout temps, l’employée a permis aux deux jeunes filles de se promener seules. Elles ont quitté le parc vers 18 h 30. On nous a dit que l’employée les avait cherchées puis s’était rendue au foyer d’accueil. L’employée a communiqué avec la mère responsable du foyer d’accueil et la spécialiste des ressources de JCS afin de leur dire ce qui était arrivé.
111 La spécialiste des ressources a finalement appelé la police à 22 h 37, plus de quatre heures après la disparition des jeunes filles. Elle a également avisé la SAE du sud-ouest et le ministère de la disparition des filles; l’intervenante d’AAFS a été informée, quant à elle, le jour ouvrable suivant.
112 Misty est demeurée disparue pendant la plupart des dix-neuf jours suivants.
113 Dans les heures qui ont suivi la disparition de Misty, les policiers(ières) affectés à son dossier ont interrogé la spécialiste des ressources de JCS, l’employée qui l’avait accompagnée au parc et la mère responsable de son plus récent foyer d’accueil. Dans leurs notes, les policiers(ières) ont indiqué que la spécialiste des ressources leur a dit que Misty s’était déjà rendue dans une « piquerie », mais elle a dit ne pas connaître l’adresse. Selon les notes et le rapport de la police :
[La spécialiste des ressources] n’était pas particulièrement inquiète pour la sécurité des deux [filles], car les deux avaient déjà été portées disparues du foyer auparavant… Elle voulait signaler la disparition [des filles] compte tenu de la politique de leur foyer de groupe… elle a effectivement mentionné que [Misty] consommait des drogues.
114 L’employée qui était avec les deux filles lorsqu’elles se sont enfuies a fait une déclaration semblable, indiquant qu’elle n’était pas inquiète et qu’elle ne se faisait pas de souci pour la sécurité de Misty.
115 En fonction de leur conversation avec la mère responsable du plus récent foyer d’accueil, les policiers(ières) ont confirmé que Misty n’était pas rentrée avant le couvre-feu qui lui était imposé, ce qui violait les conditions de sa libération sous caution. Un mandat d’arrêt a dont été émis, ce qui permettrait à la police d’appréhender Misty si on la trouvait.
116 En plus de signaler à la police la disparition de Misty, JCS en a également informé la SAE du sud-ouest. En fonction des courriels que nous avons examinés, l’intervenante sociale de Misty chez AAFS a été informée le jour ouvrable suivant sa disparition, ce qui est conforme aux politiques du ministère et de JCS. Les courriels et les appels téléphoniques entre le personnel des trois organismes dans les jours qui ont immédiatement suivi la disparition de Misty ont été nombreux.
117 Toutefois, en raison d’une certaine confusion et de communications défaillantes au sein d’Anishinaabe Abinoojii Family Services, plusieurs membres du personnel d’AAFS ne savaient pas que Misty était portée disparue. Les personnes que nous avons interviewées ont réitéré à notre équipe d’enquête ne pas avoir été informées de la disparition de Misty avant plusieurs jours. Une haute dirigeante d’AAFS a dit avoir appris que Misty avait disparu plus d’une semaine plus tard, lorsqu’un(e) membre de la famille de Misty a publié sur Facebook que la famille n’avait pas eu de ses nouvelles et croyait à sa disparition. Notre enquête ne nous a pas permis d’établir les raisons de cette confusion au sein d’AAFS sachant que JCS lui avait transmis le message de la disparition de Misty.
À la recherche de Misty
118 En se fondant sur les renseignements fournis par le personnel de JCS, la police a évalué la situation et classé non urgent le signalement de la disparition de Misty et d’Ella. Lorsque nous avons questionné la police au sujet de ce classement, on nous a répondu que les « membres du personnel de JCS… n’avaient pas souligné de véritable risque pour la sécurité des enfants ». Un(e) autre policier(ière) nous a dit qu’on lui avait donné l’impression que « disparaître était une habitude chronique chez ces jeunes filles… mais que rien ne présageait de danger imminent ». L’agent(e) a insisté sur le fait qu’en fonction des renseignements qu’on lui avait fournis, de son point de vue, il n’y avait pas de facteurs de risque particuliers justifiant de modifier l’approche de la police.
119 Au cours de la journée et demie suivante, le(la) coordonnateur(trice) de l’Unité des personnes disparues du service de police a eu du mal à joindre la spécialiste des ressources de JCS; il(elle) lui a envoyé de nombreux messages textes et laissé plusieurs messages dans sa boîte vocale. Trois jours après la disparition de Misty, la spécialiste des ressources de JCS a dit à la police qu’Ella, l’adolescente qui s’était enfuie avec Misty, était revenue et qu’elle acceptait de parler à la police en personne. Les notes de la police indiquent aussi que la spécialiste des ressources de JCS leur a dit qu’Ella avait laissé entendre que Misty se trouvait vraisemblablement dans une « planque » (lieu où l’on vend des drogues), consommait sans doute des drogues et avait des rapports sexuels avec des hommes adultes.
120 Mais avant que la police n’agisse sur cette information, Misty s’est présentée dans son foyer d’accueil précédent. Même si elle n’était pas autorisée à s’y trouver en raison des conditions de sa libération sous caution, elle nous a dit qu’elle ne savait pas où se trouvait son nouveau foyer d’accueil ou comment s’y rendre, car elle ne connaissait pas bien le secteur où elle vivait. Le personnel du foyer d’accueil a dit que Misty s’y était présentée intoxiquée, qu’elle avait faim et qu’elle était couverte de vomi. Le personnel l’a raccompagnée à son nouveau foyer d’accueil, car elle n’avait pas le droit d’entrer en contact avec la mère ni avec les autres résident(e)s de son ancien foyer d’accueil. La police a lancé un autre mandat d’arrêt à l’endroit de Misty parce qu’elle avait violé les conditions de sa libération sous caution.
121 Le retour de Misty a été de courte durée. Après avoir pris une douche et changé de vêtements, elle a demandé à une employée de l’amener faire une promenade en voiture. Celle-ci a accepté, mais lui a dit qu’elle ne l’amènerait pas au centre-ville. Misty a accepté, mais dans la voiture elle s’est fâchée lorsque l’employée a à nouveau refusé de l’amener au centre-ville. L’employée nous a dit que pendant que la voiture roulait à 60 km/h, Misty a débouclé sa ceinture de sécurité et ouvert la portière et qu’elle semblait sur le point de sauter de la voiture. L’employée a ralenti pour éviter que Misty saute de la voiture en mouvement et, une fois le véhicule immobilisé, Misty est descendue et s’est éloignée en marchant. L’employée a dit qu’elle avait immédiatement appelé la police et la spécialiste des ressources, mais qu’elle n’avait pas pu suivre Misty parce que la voiture était en pleine circulation et qu’elle ne pouvait pas faire demi-tour rapidement.
122 La police a tenté de retrouver Misty à une adresse en particulier en fonction des renseignements fournis par la spécialiste des ressources et la mère de son ancien foyer d’accueil. Elle a surveillé la maison et y est retournée à quelques reprises, pénétrant les lieux à une occasion au moins. Mais les résidents ont nié connaître Misty ou savoir où elle se trouvait.
123 Environ dix jours après la disparition de Misty, le policier du nord-ouest de l’Ontario qui s’était déjà entretenu avec la police du sud-ouest de l’Ontario au sujet de Misty les a contacté à nouveau. Il a dit à notre équipe d’enquête avoir été contacté par Anishinaabe Abinoojii Family Services. La SAE voulait s’assurer que tout était mis en œuvre pour retrouver Misty et que la police dans le sud-ouest de l’Ontario connaissait les facteurs de risque que présentait Misty. Il nous a expliqué qu’en fonction de son expérience de policier, connaître les facteurs de risque que présentait Misty modifierait son approche. Et les agent(e)s de police locaux à qui nous avons parlé étaient d’accord. Ils ont souligné que l’information fournie par ce policier avait été troublante et les avait incités à augmenter l’urgence de leurs recherches.
124 Le jour suivant, la police du sud-ouest de l’Ontario a publié un communiqué de presse pour aider à localiser Misty. Les policiers(ières) ont aussi contacté les médias sociaux pour voir si elle avait accédé à ses comptes et, si oui, à partir de quel endroit. Cette même journée, la spécialiste des ressources de JCS a parlé à nouveau avec la police. Elle a insisté sur les habitudes de consommation de drogues de Misty et leur a dit croire que Misty faisait l’objet de traite d’êtres humains. La journée suivante, la mère responsable du foyer d’accueil a discuté de la situation avec la police, mais compte tenu de ses contacts limités avec Misty, elle n’a pas pu fournir d’autres renseignements.
125 Après avoir tenté à plusieurs reprises de rencontrer Ella, la police a finalement pu l’interviewer le jour suivant. Elle a dit avoir vu Misty consommer de la méthamphétamine, du fentanyl, du cannabis, de la cocaïne et du Xanax et qu’on l’utilisait pour vendre de la drogue. Elle a également déclaré avoir été personnellement agressée sexuellement et que Misty avait eu des rapports sexuels avec un homme adulte à l’endroit même où la police s’était rendue et effectuait de la surveillance. Dans de telles circonstances et étant donné que Misty n’avait pas l’âge de consentement en vertu du Code criminel, il s’agissait d’un crime grave. Elle a dit à la police qu’elle se faisait du souci pour Misty, mais qu’elle ne savait pas où elle se trouvait.
126 La journée après avoir parlé avec Ella, la police a fouillé la chambre de Misty. Elle a trouvé quelques numéros de téléphone qui n’ont pas fait avancer l’enquête. Un des numéros était celui d’un(e) membre du personnel de notre bureau qui lui avait parlé régulièrement. Elle a également trouvé des pipes utilisées pour fumer de la méthamphétamine en cristaux et des sacs en plastique vides.
127 La police a poursuivi la surveillance de l’adresse fournie par la spécialiste des ressources, mais n’a pas trouvé d’indices de la présence de Misty. Elle a aussi poursuivi sa recherche d’adresses où Misty pouvait se trouver et consacré des efforts à identifier des personnes d’intérêt. Elle a donné suite à l’information générée par le communiqué de presse et a contacté les médias sociaux en quête d’information.
Défaut de communiquer
128 Alors que les recherches s’étiraient en longueur, l’intervenante d’Anishinaabe Abinoojii Family Services n’arrivait pas à joindre la spécialiste des ressources de JCS pour avoir un compte rendu. Elle n’avait pas de retours sur ses courriels, ses appels téléphoniques, ni ses messages textes. Elle ne pouvait pas laisser de messages dans sa boîte vocale, car celle-ci était remplie. Elle a également essayé de communiquer avec la direction générale de JCS, mais n’a reçu aucune réponse.
129 Anishinaabe Abinoojii Family Services ne savait pas que la spécialiste des ressources de JCS ne prenait plus ses messages parce qu’elle avait pris congé quelque temps après ses derniers échanges avec la police. Le directeur général de JCS a dit à notre équipe d’enquête que les intervenant(e)s savaient avec qui communiquer au bureau lorsqu’ils ne pouvaient pas joindre la spécialiste des ressources. Il a également dit avoir informé la police, AAFS et la SAE du sud-ouest du changement de personnel. Nous n’avons pas trouvé de preuves à l’appui de cette affirmation. La tenue des dossiers par la police et la SAE était exemplaire et il est peu probable que les deux aient omis de consigner cette information. En l’absence de la spécialiste des ressources de JCS, AAFS a tenté par tous les moyens d’obtenir de l’information sur les recherches pour retrouver Misty. Il a fallu aussi un certain temps avant que l’intervenante de la SAE du sud-ouest apprenne que la spécialiste des ressources de JCS n’était plus en poste.
130 Lorsque le directeur général de JCS a finalement communiqué avec AAFS, soit plus de deux semaines après la disparition de Misty, c’était pour discuter officiellement de la fin de sa prise en charge par JCS. AAFS a refusé la demande. On voulait s’assurer que Misty avait une adresse dans le secteur où elle pourrait retourner. AAFS craignait que, faute d’avoir une adresse locale pour Misty, la police cesse les recherches pour la retrouver. Un(e) membre du personnel d’AAFS nous a dit que c’était comme si Johnson Children’s Services voulait se « laver les mains » de toute cette affaire et de Misty.
Équipe de secours venue du Nord
131 Quatorze jours après la disparition de Misty de son dernier foyer d’accueil, une équipe de secours représentant sa communauté nordique est arrivée dans le sud-ouest de l’Ontario. Le groupe comprenait un policier à la retraite de sa communauté d’origine qui avait de l’expérience en recherche de jeunes personnes et un(e) défenseur(se) des enfants de la communauté de Misty. Deux autres secouristes faisaient partie de l’équipe : un(e) travailleur(se) en intervention d’urgence de la SAE du sud-ouest habitué(e) à travailler avec des jeunes en fugue et un policier à la retraite qui avait travaillé auparavant avec certain(e)s membres de l’équipe de secours.
132 La décision d’envoyer une équipe de secours sur place était une réponse sérieuse à une situation alarmante. Une haute dirigeante d’AAFS nous a dit qu’ils étaient extrêmement inquiets en raison de la vulnérabilité de Misty, de son désir d’être aimée et de ses facteurs de risque au regard du trafic de personnes :
[Nous] l’avons perdue dans le [sud-ouest de l’Ontario] et nous [ne voulons pas] la perdre ailleurs au Canada… Elle craignait avant tout pour sa vie… qu’elle devienne une autre femme autochtone disparue et assassinée… qu’elle soit une autre statistique dont on entendrait parler dans les bulletins de nouvelles.
133 L’équipe de secours a travaillé de près avec la police locale. Ils ont utilisé le clavardage et des séances d’information en personne pour s’assurer de partager tous les renseignements pertinents entre eux. Ils ont donné suite aux signalements de Misty et ont surveillé les endroits connus pour être utilisés par les trafiquants de personnes et de drogues. On nous a dit que cela avait « mis la rue aux aguets », ce qui avait donné plus de notoriété à Misty et mené à ce que plus d’indices et de signalements soient rapportés.
134 La police nous a dit que des équipes de secours civiles comme celle-ci sont très rares. Un(e) policier(ière) expérimenté(e) a dit « c’est la première fois que je vois un organisme envoyer un groupe, de sa propre communauté, à des heures et des heures d’ici, pour aider à retrouver une personne ». Il(elle) a souligné que « cela en dit long sur leur inquiétude et le souci qu’ils se font ». Le personnel de la SAE du sud-ouest a également dit ceci au sujet de l’équipe de secours : « Ils ont fait un travail remarquable… ces personnes méritent d’être félicitées ».
Misty revient
135 En dépit de recherches minutieuses, Misty n’a pas été retrouvée. Elle a décidé finalement de retourner à son premier foyer d’accueil dans une ville du sud-ouest de l’Ontario, et ce, dix-neuf jours après avoir été portée disparue. La police a été appelée. Misty a dit avoir récemment fait une surdose au fentanyl, avoir été réanimée à deux reprises avec de la naloxone (un médicament pour renverser les effets des opioïdes) et avoir recommencé à consommer de la drogue après ses surdoses. En fonction de cette information, les policiers(ières) l’ont immédiatement conduite à l’hôpital pour des examens. Une employée de la SAE du sud-ouest qui l’accompagnait nous a dit « qu’elle avait l’air d’une fillette de onze ans, amaigrie, souillée, les cheveux en désordre [et] qu’elle n’avait pas toute sa tête ». Elle a ajouté que même si Misty présentait une « carapace extérieure dure », elle était « une toute petite fille au fond ».
136 Après avoir été soignée, Misty a reçu son congé de l’hôpital et elle a été confiée à la garde de l’employé(e) de la SAE d’Anishinaabe Abinoojii Family Services membre de l’équipe de secours. On nous a dit que Misty était heureuse de voir des personnes de sa communauté. L’équipe de secours a déterminé qu’il était dans l’intérêt supérieur de Misty de rentrer à la maison avec elle en voiture plutôt que de prendre l’avion. Pendant le long trajet, Misty est demeurée plutôt silencieuse.
137 Son retour dans sa communauté nordique n’était pas la fin de son parcours. Au moment de la rédaction du présent rapport, Misty demeure prise en charge par AAFS. Bien que l’état de santé de Misty s’est amélioré quelque peu initialement après sa participation à un programme de traitement spécialisé dans le sud de l’Ontario, elle continue toutefois d’éprouver de nombreux problèmes, d’après nos plus récents échanges avec ses fournisseurs de soins.
138 Misty a survécu contre toute attente à cette période passée à errer dans la rue dans le sud-ouest de l’Ontario, mais elle ne s’en est pas sortie indemne. Nous ne saurons sans doute jamais l’étendue de ce que Misty a vécu pendant ces périodes où elle était portée disparue. Mais nous savons qu’elle est revenue visiblement blessée et a eu besoin de soins médicaux à une occasion, et qu’elle était visiblement mal en point à un autre moment. Elle a admis avoir fait des surdoses à des drogues puissantes et une de ses anciennes colocataires a affirmé qu’elles avaient été toutes les deux agressées sexuellement lorsqu’elles ont été portées disparues ensemble.
139 Mon enquête a révélé de nombreux manquements et plusieurs erreurs de la part des organismes responsables du bien-être de Misty. Toutefois, avant d’aborder les nombreuses fois où les normes, les politiques et les ententes ont été ignorées, j’aimerais d’abord soulever un problème que je juge spécialement inquiétant compte tenu des constats de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
140 Misty était une adolescente autochtone âgée de 13 ans; elle était loin de son milieu de vie dans le Nord, elle était séparée de sa famille et de son identité culturelle, elle souffrait de problèmes de santé mentale et présentait des troubles du développement, elle avait un historique de consommation de drogues et on la soupçonnait d’être victime d’agression sexuelle et de traite de personnes. Les études universitaires sont claires à cet effet : les circonstances particulières de Misty l’exposaient à un risque exceptionnel de trafic d’êtres humains. Un policier du nord-ouest de l’Ontario au fait de ses circonstances particulières était si inquiet du danger qui menaçait Misty de se retrouver au rang des femmes et des jeunes filles autochtones disparues et assassinées qu’il en a avisé ses homologues dans le sud de l’Ontario. De la même manière, Anishinaabe Abinoojii Family Services a identifié ce danger et des membres de la communauté de Misty se sont mobilisé(e)s dans un effort remarquable pour la retrouver avant qu’il ne soit trop tard.
141 Cependant, Johnson Children’s Services Inc., qui était responsable des soins et des services fournis à Misty durant l’été 2020, n’a pas la preuve d’être conscient de la vulnérabilité particulière que présentait Misty face aux surdoses de drogues, aux agressions sexuelles et au trafic sexuel. À une occasion au moins, les membres de son personnel ont mis plusieurs heures avant de signaler la disparition de Misty à la police et lorsqu’elles l’ont fait, elles ont minimisé la gravité de la situation. Elles ont dit à la police qu’elle était une fugueuse chronique et qu’elles ne s’inquiétaient pas pour sa sécurité. Ce n’est que beaucoup plus tard que les dangers auxquels était exposée Misty sont devenus plus clairs et qu’un communiqué de presse a été diffusé.
142 Malheureusement, et c’est une réalité qui date depuis fort longtemps, le Nord de l’Ontario manque de ressources suffisantes pour fournir les traitements et les soins nécessaires aux enfants autochtones qui ont des problèmes complexes comme ceux de Misty. Même si ce manque chronique de ressources ne s’inscrit pas dans le champ de la présente enquête, il reste que c’est la raison fondamentale pour laquelle Misty, au départ, s’est retrouvée dans le sud-ouest de l’Ontario. Misty n’était pas la première - et elle ne sera vraisemblablement pas la dernière - jeune fille autochtone « transplantée » dans le sud de l’Ontario par des autorités en matière de protection de l’enfance, faute d’avoir d’autres options de placement à proximité de chez elle.
143 Je note que le 27 avril 2022, le ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires a émis une directive aux termes de la LSEJF, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2023, en vertu de laquelle les parents responsables d’un foyer d’accueil devront suivre une formation interactive sur les compétences culturelles liées aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis.
144 Avant que Johnson Children’s Services accepte de prendre en charge un autre enfant autochtone, l’agence devrait s’assurer que tous les parents de ses foyers d’accueil et les membres de son personnel reçoivent une solide formation en protection de l’enfance dans l’esprit des appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation et qu’ils soient sensibilisé(e)s aux constats et aux recommandations de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées[47]. JCS devrait aussi s’assurer que l’histoire et la culture des peuples autochtones au Canada - y compris les répercussions du colonialisme, des pensionnats autochtones, de la rafle années 60 et des autres évènements qui ont contribué à exposer les enfants autochtones à des risques uniques reliés au trafic sexuel et à d’autres sévices - soient considérées dans les prises de décisions relatives aux enfants autochtones qui lui sont confié(e)s.
Recommandation 1
Johnson Children’s Services Inc. devrait veiller à ce que tous les parents de ses foyers d’accueil et membres du personnel reçoivent une formation sur la sécurité culturelle des Autochtones.
Recommandation 2
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer de prendre en compte les facteurs de risques spécifiques aux enfants autochtones dans les décisions relatives à leurs soins.
145 La disparition de Misty aurait pu terminer de façon plus tragique. Il est crucial que les organismes responsables de ses soins tirent des leçons de ce qu’elle a vécu. Les enfants doivent pouvoir s’attendre à être protégé(e)s par les adultes et les institutions sensées assurer leur sécurité. Malheureusement, dans le cas de Misty, les organismes chargés de ses soins et de son bien-être ont failli à maintes reprises aux obligations que leur confèrent la Loi, les Normes de la protection de l’enfance de l’Ontario, les manuels du ministère, les ententes entre organismes et leurs propres politiques internes.
146 Le 11 mars 2020, Anishinaabe Abinoojii Family Services et Johnson Children’s Services Inc. ont conclu une entente de services définissant les principales modalités des soins et services que recevrait Misty. Pendant la période où Misty relevait de sa responsabilité, JCS a enfreint les modalités de cette entente à plusieurs reprises.
147 Selon l’entente de services, avant de déplacer Misty vers un autre foyer d’accueil, JCS devait consulter AAFS sept jours à l’avance et obtenir son autorisation. Ce que JCS n’a pas fait lorsqu’il a déplacé Misty en urgence vers une autre région du sud-ouest de l’Ontario. Au cours de notre enquête, JCS a reconnu devoir obtenir l’autorisation d’AAFS pour déplacer Misty de son foyer d’accueil. L’agence n’a cependant pas été en mesure de fournir une preuve documentée attestant avoir demandé ou obtenu au préalable cette autorisation. Selon les notes de l’intervenante d’AAFS, c’est après les faits qu’elle a reçu un appel l’informant du déplacement de Misty. Elle nous a également dit que JCS ne l’a jamais informée de l’incident qui aurait justifié ce déplacement d’urgence. AAFS a été pris de court par ce déplacement soudain n’a pas été en mesure de soutenir Misty dans cette transition.
148 En vertu de l’entente et comme l’exige le règlement, JCS s’était aussi engagé à signaler au ministère tout incident grave et de transmettre ces rapports, le cas échéant, et tous les rapports d’incidents connexes à AAFS. Johnson Children’s Services a bien transmis plusieurs rapports d’incidents graves au ministère lorsque Misty a été portée disparue, mais ne les a pas remis à AAFS. La SAE du sud-ouest de l’Ontario a dû faire une demande officielle à JCS pour les recevoir après la demande d’AAFS pour obtenir ces documents.
149 À l’avenir, Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer de respecter les modalités des ententes de services qu’il conclut. Avant de déplacer un(e) enfant dont il a la charge, JCS devrait aviser la société d’aide à l’enfance responsable du placement et obtenir son autorisation. Aussi, JSC devrait remettre aux SAE une copie des rapports d’incidents graves reliés aux enfants qu’elles ont confié(e)s à ses soins.
Recommandation 3
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer de respecter les modalités des ententes de services qu’il conclut avec les sociétés d’aide à l’enfance qui confient des enfants à sa charge.
Recommandation 4
JCS devrait aviser et obtenir leur autorisation des sociétés d’aide à l’enfance avant de déplacer des enfants qu’elles ont confié à ses soins.
Recommandation 5
Johnson Children’s Services Inc. devrait remettre aux SAE une copie de tous les rapports d’incidents graves liés aux enfants qu’elles ont confié(e)s à ses soins.
150 En outre, Johnson Children’s Services n’a pas fourni le niveau de service qu’il s’était engagé à fournir à Misty, bien qu’il ait été payé pour ce faire. Un document distinct, appelé entente d’indemnité spéciale, définissait les services supplémentaires que recevrait Misty et les frais afférents à ces services. Nous avons examiné ce document. Il portait sur une période de trois mois, qui prenait fin avant la période faisant l’objet la présente enquête. On y précisait que Misty recevrait du soutien individuel douze heures par jour à raison de 30 $/l’heure. Le document était signé par JCS, mais n’avait pas été signé par AAFS ni par quiconque en son nom.
151 On pouvait lire dans l’entente d’indemnité spéciale que Misty avait besoin de soutien individuel pour éviter l’échec du placement et pour « assurer la sécurité de [Misty] dans le foyer d’accueil et la collectivité ». Dans la section « justification », il était indiqué que Misty devait être supervisée par un adulte pour s’acquitter de gestes quotidiens, comme se brosser les dents, prendre une douche ou faire le ménage de sa chambre. Elle ne devait pas être laissée seule avec d’autres jeunes et elle devait être surveillée en tout temps. On y notait aussi que Misty pouvait devenir agitée lorsqu’elle était dépassée par les évènements et elle pouvait avoir un comportement violent et impulsif. L’entente définissait des objectifs à atteindre pour mettre fin au soutien individuel, notamment le fait que Misty devait entretenir des relations positives avec ses pairs, apprendre à se contrôler et à gérer ses emportements et améliorer ses habiletés de la vie quotidienne.
152 L’entente d’indemnité spéciale précisait qu’elle ne serait plus en vigueur si Misty « quittait le programme ». Il était expressément indiqué qu’une absence sans permission tombait sous cette règle.
153 Toutes les personnes auxquelles nous avons parlé des besoins de Misty ont convenu qu’elle devait être constamment supervisée pour assurer sa sécurité. Anishinaabe Abinoojii Family Services a engagé des dépenses considérables pour qu’elle reçoive ce type d’encadrement. On nous a également dit que Misty avait obtenu dans le passé un tel soutien dans un foyer d’accueil administré par JCS dans le sud-ouest de l’Ontario et que cela avait relativement bien fonctionné. Toutefois, les personnes à qui nous avons parlé avaient une compréhension très différente de la quantité de soutien individuel que devait recevoir Misty, de ce que devait être ce soutien et du soutien qu’elle avait effectivement reçu.
154 La mère responsable du premier foyer d’accueil de Misty dans la ville du sud-ouest de l’Ontario et les membres du personnel nous ont dit qu’il n’y avait pas de préposé(e) affecté(e) individuellement à Misty. Son plan de sécurité ne mentionnait pas non plus de soutien individuel. D’autres personnes présentes dans le foyer d’accueil ne pouvaient pas dire qui offrait du soutien individuel à Misty et on ne nous a pas fourni d’horaires d’employé(e)s ou d’autres documents attestant d’une telle affectation. Il n’y avait pas non plus d’entente d’indemnité spéciale couvrant la majorité de la période de placement de Misty dans ce foyer.
155 En fait, les feuilles de présence que nous avons analysées indiquent que des employé(e)s fournissaient des services de relève, par exemple, surveillaient le foyer et toutes les résidentes pendant que la mère du foyer d’accueil travaillait ou lorsqu’elle avait besoin de répit. Les feuilles de présence n’indiquent pas de soins individuels pour Misty.
156 La mère responsable du foyer d’accueil nous a dit que la spécialiste des ressources pour le foyer et d’autres employé(e)s supervisaient fréquemment le foyer et les résidentes étant donné qu’elle avait un emploi à temps plein à l’extérieur. Cette disposition était inhabituelle, car les spécialistes des ressources n’offrent généralement pas de soins directs aux enfants.
157 Malgré toutes les preuves du contraire, la spécialiste des ressources pour le foyer nous a dit à maintes reprises que Misty bénéficiait d’un programme d’encadrement individuel. Et, selon l’entente d’indemnité spéciale conclue entre JCS et AAFS, elle devait recevoir douze heures de soutien individuel par jour. Aucune autre preuve ne corroborait les dires de la spécialiste des ressources selon lesquels Misty avait obtenu du soutien individuel pendant ce placement.
158 Quoiqu’il en soit, la spécialiste des ressources du premier foyer d’accueil de Misty administré par JCS dans la ville du sud-ouest de l’Ontario a contacté l’intervenante de la SAE du sud-ouest afin de demander du soutien individuel 24/7 pour Misty, plutôt que les douze heures de soutien individuel qu’elle aurait déjà dû recevoir. En réponse à cette demande, l’intervenante de la SAE du sud-ouest a contacté l’intervenante d’AAFS qui lui a répondu qu’une entente d’indemnité spéciale prévoyait déjà du soutien 24/7 pour Misty. L’intervenante d’AAFS a suggéré à l’intervenante de la SAE du sud-ouest de s’informer auprès de la spécialiste des ressources de JCS pour en connaître les détails. Il n’est pas clair s’il y a eu d’autres démarches à cet effet après cette conversation.
159 L’information que nous avons obtenue sur les services fournis à Misty durant le bref placement qui a suivi donne à penser qu’elle n’a pas reçu de soutien individuel 24/7. On nous a dit qu’une employée venait occasionnellement chercher Misty pour faire une sortie. Toutefois, nous n’avons pas trouvé de preuves documentées selon lesquelles Misty a effectivement reçu le soutien individuel pour lequel AAFS a payé.
160 Personne n’a été en mesure de fournir à mon Bureau de documents témoignant de la modification du service de soutien individuel de 12 à 24 heures par jour. Nous n’avons pas pu déterminer à quel moment cette modification a été faite, qui l’a autorisée ou si elle a été documentée de quelque façon que ce soit. Pourtant, JCS a facturé AAFS pour du soutien individuel 24 heures par jour et AAFS en a assumé les frais pour la période de deux mois pendant laquelle Misty a séjourné dans le sud-ouest de l’Ontario. Au total, AAFS a payé 43 920 dollars pour 61 jours, incluant les jours où Misty était portée disparue. Et ce malgré le fait que des témoins ont confirmé que Misty n’a pas obtenu de soutien individuel, et que la seule entente de services existante spécifiait que le taux ne s’appliquerait pas si Misty était absente du foyer d’accueil.
161 Nous avons questionné Anishinaabe Abinoojii Family Services sur la façon dont s’organisait le soutien individuel pour un(e) enfant. On nous a dit que la demande était faite par l’organisme sollicitant le soutien additionnel. La demande était alors examinée et approuvée par un comité d’AAFS désigné à cette fin. Le comité a approuvé une entente d’indemnité spéciale d’une durée de trois mois en mars 2020 pour du soutien individuel 12 heures par jour. On nous a dit que de telles ententes étaient habituellement approuvées pour 30 jours et qu’il serait extraordinaire d’approuver une demande de soutien individuel 24/7. On nous a dit qu’une fois une demande de soutien additionnel approuvée, la responsabilité d’en assurer le suivi revenait au superviseur ou à la superviseuse de l’intervenant(e) social(e) de l’enfant. Toutefois, aucune preuve n’existe d’une entente d’indemnité spéciale dûment signée et approuvée par AAFS pour fournir à Misty du soutien individuel 24/7.
162 Malgré nos entrevues exhaustives, nous n’avons pas été en mesure d’identifier l’employé(e) qui aurait effectivement fourni du soutien individuel à Misty, et JCS n’avait pas de feuilles de présence ni d’horaires d’employé(e)s documentant une telle affectation. La chose est particulièrement troublante. En effet, JCS est tenu de fournir cette information au ministère en vertu d’une condition à laquelle est assujetti son permis. Il s’agit d’un problème lié aux services de JCS qui perdure depuis plus de six ans. Nous n’avons pas trouvé de preuves selon lesquelles AAFS avait pris des mesures pour s’assurer que Misty recevait bien du soutien individuel, et AAFS a même pris près d’un mois après le premier placement de Misty dans la région avant d’informer la SAE du sud-ouest de l’existence de cette entente.
163 Lorsque nous avons demandé comment aurait fait AAFS pour savoir si Misty avait reçu ou non ce soutien individuel, un(e) gestionnaire a répondu sans ménagement « je ne sais pas comment répondre à cette question ». Nous n’avons pas trouvé de preuves qu’AAFS a fait le suivi et le rapprochement des services reçus avant de payer les factures de fournisseurs comme JCS. On nous a dit que le service des finances d’AAFS aurait pu examiner l’entente d’indemnité spéciale pour le soutien individuel de Misty avant de payer la facture, mais cela n’a pas pu se produire dans ce cas puisqu’il n’y avait pas d’entente en vigueur.
164 Dans le cas de Misty, le soutien individuel visait à l’encadrer dans les activités de la vie quotidienne et à réduire le risque qu’elle fasse des fugues. La spécialiste des ressources de JCS et le personnel d’AAFS nous ont dit à maintes reprises s’attendre à ce que la préposée affectée individuellement à Misty la « garde sous les yeux » en tout temps, et la suive et la ramène au foyer d’accueil si elle tentait de s’enfuir. Bien qu’il ne soit pas possible de savoir précisément la différence qu’aurait fait un soutien individuel, il reste que la période de disparation prolongée de Misty s’est amorcée lorsque l’employée qui accompagnait Misty et une autre adolescente au parc leur a accordé un moment « d’intimité ».
Johnson Children’s Services
165 Un des principaux problèmes qui ressort de la présente enquête est le fait que Johnson Children’s Services n’ait pas assuré un niveau satisfaisant de supervision à Misty et le soutien individuel dont elle avait besoin. L’agence devrait veiller à fournir une supervision de façon continue et un soutien individuel conformément au plan de sécurité d’un(e) enfant et conformément aux modalités de l’entente d’indemnité spéciale conclue avec les sociétés d’aide à l’enfance qui lui confient l’enfant.
166 Conformément aux exigences de son permis, JCS devrait tenir un dossier et des renseignements précis sur ses membres du personnel qui offrent ces services afin que le ministère et la SAE responsable du placement puissent vérifier les services fournis à chaque enfant. Lorsqu’un(e) employé(e) est affecté(e) au soutien individuel d’un(e) enfant, cette personne ne devrait pas être chargée de superviser d’autres enfants ou d’effectuer d’autres tâches dans le foyer d’accueil. JCS devrait faire en sorte que toutes les modalités reliées au soutien individuel et que les changements ou la prolongation des ententes d’indemnité spéciale soient documentés et consignés dans une entente officielle signée. Enfin, JCS devrait rembourser à Anishinaabe Abinoojii Family Services les sommes perçues pour les services de soutien individuel qui n’ont pas été fournis à Misty durant son séjour dans le sud-ouest de l’Ontario, y compris pendant la période où elle a été portée disparue.
Recommandation 6
Johnson Children’s Services Inc. devrait veiller à fournir sans faute la supervision et les services de soutien individuel conformément à ses politiques, au plan de sécurité de l’enfant et aux modalités des ententes d’indemnité spéciale conclues avec les sociétés d’aide à l’enfance qui lui confient des enfants.
Recommandation 7
Johnson Children’s Services Inc. devrait tenir un dossier et des renseignements précis sur les membres du personnel qui fournissent des services de supervision individuelle aux enfants afin que le ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires et les SAE responsables des placements puissent vérifier les services fournis à chaque enfant.
Recommandation 8
Johnson Children’s Services Inc. devrait veiller à ce que lorsqu’un(e) employé(e) est affecté(e) au soutien individuel d’un enfant, il(elle) n’ait pas en plus la responsabilité de superviser d’autres enfants ou d’effectuer d’autres tâches dans le foyer d’accueil.
Recommandation 9
Johnson Children’s Services Inc. devrait faire en sorte que toutes les modalités liées au soutien individuel et que les changements ou la prolongation des ententes d’indemnité spéciale soient documentés et consignés dans une entente officielle signée.
Recommandation 10
Johnson Children’s Services Inc. devrait rembourser à la SAE d’Anishinaabe Abinoojii Family Services les sommes perçues pour les services de soutien individuel qui n’ont pas été fournis à Misty durant son séjour dans le sud-ouest de l’Ontario.
Anishinaabe Abinoojii Family Services
167 Par ailleurs, Anishinaabe Abinoojii Family Services n’a pas contrôlé adéquatement les services de soutien individuel que devait fournir JCS à Misty ou a omis d’en informer la SAE du sud-ouest afin qu’elle puisse le faire. En ne réalisant pas que Misty ne recevait pas les services qu’elle devait obtenir ou en ne prenant pas de mesures pour s’en assurer, sa SAE a manqué l’occasion d’intervenir avant qu’elle soit portée disparue.
168 AAFS devrait s’assurer que ses employé(e)s surveillent attentivement les services fournis en vertu d’ententes d’indemnité spéciale, y compris le soutien individuel. Ils et elles devraient être formés à exiger des documents précis, comme les horaires de travail du personnel ou des rapports d’étapes hebdomadaires, afin de les aider à surveiller la prestation de ces services. AAFS devrait faire en sorte que son personnel partage les renseignements pertinents sur les services auxquels ont droit les enfants, incluant le soutien individuel, avec toutes les sociétés d’aide à l’enfance qui l’assistent dans la supervision. Les changements ou la prolongation des ententes d’indemnité spéciale devraient être consignés dans une entente officielle signée, et ces modifications devraient être examinées et approuvées par un comité désigné et documentées dans le dossier de l’enfant.
Recommandation 11
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que son personnel surveille étroitement les services fournis dans le cadre d’ententes d’indemnité spéciale.
Recommandation 12
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que son personnel est formé à exiger des documents précis, comme les horaires de travail des employé(e)s ou des rapports d’étapes hebdomadaires, pour l’aider à surveiller la prestation des services, incluant le soutien individuel.
Recommandation 13
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait faire en sorte que son personnel partage les renseignements pertinents sur les services auxquels ont droit les enfants, incluant le soutien individuel avec toutes les sociétés d’aide à l’enfance qui l’assistent dans la supervision.
Recommandation 14
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait faire en sorte que les changements ou la prolongation des ententes d’indemnité spéciale soient consignés dans une entente officielle signée, et que ces modifications soient examinées et approuvées par un comité désigné et documentées dans le dossier de l’enfant.
169 Outre l’absence de supervision individuelle, il y a eu plusieurs manquements graves et inexpliqués dans la supervision de Misty par Johnson Children’s Services pendant son séjour dans le sud-ouest de l’Ontario. Différentes personnes nous ont dit que Misty et d’autres enfants dans le premier foyer d’accueil où elle a séjourné étaient laissé(e)s sans aucune supervision adulte, et ce, même si le plan de sécurité de Misty indiquait qu’elle devait être supervisée en tout temps. JCS n’avait en main aucun document pouvant confirmer que le personnel avait effectivement pris connaissance du plan de sécurité de Misty, et les parents responsables des foyers d’accueil et les membres du personnel que nous avons interviewé(e)s ne semblaient pas en connaître les modalités.
170 La mère responsable de ce foyer d’accueil a décrit un incident particulièrement inquiétant survenu pendant que Misty et quelques adolescentes vivant dans la résidence avaient été laissées sans surveillance. Elle a dit avoir été en congé ce soir-là et avoir laissé les enfants aux soins de la spécialiste des ressources. Toutefois, la spécialiste des ressources a également quitté la résidence et, pendant son absence, une des adolescentes a souffert d’un grave problème médical nécessitant une intervention d’urgence. Une adolescente a communiqué avec la mère responsable du foyer d’accueil qui est accourue. Sur place, celle-ci a trouvé les secours qui étaient déjà là, mais sans aucun(e) employé(e) pour superviser les enfants. Lorsque nous avons interrogé la spécialiste des ressources au sujet de l’incident, elle a nié avoir laissé sans supervision les enfants, bien que l’équipe des secours et un témoin qui accompagnait la mère responsable du foyer aient corroboré le compte rendu de cette dernière. On nous a aussi décrit des incidents similaires - documentés par des témoins tiers, dont la police - survenus lorsque les enfants étaient laissé(e)s seuls à la résidence.
171 On s’inquiétait même du niveau de supervision lorsque du personnel de soutien additionnel était sur place pour prêter main-forte à la mère responsable du foyer d’accueil et l’aider à gérer tous les enfants qui y étaient placé(e)s. Une travailleuse amenait occasionnellement au travail ses trois enfants, tous âgés de moins de 5 ans, lorsqu’elle n’avait pas de service de garde. La mère responsable du foyer d’accueil a fait part à la spécialiste des ressources de ses préoccupations à cet égard, mais s’est fait répondre de ne pas s’en inquiéter, qu’il n’y avait pas de politique interdisant aux employé(e)s d’amener leurs enfants au travail. Lorsque questionné à ce sujet, le directeur général de JCS nous a dit être au courant de cette pratique. Il s’est limité à dire que la travailleuse ne devait pas transporter les résidentes du foyer d’accueil avec ses propres enfants.
172 Johnson Children’s Services se présente comme une agence offrant un milieu de vie hautement structuré avec un ratio personnel-enfant élevé. Ce qui n’est pas corroboré par les faits consignés au dossier de Misty. Ne pas avoir assuré une supervision adéquate aux enfants en tout temps, surtout dans le cas d’une enfant aux facteurs de risque connus et dont les besoins sont aussi complexes que ceux de Misty, est inexcusable. JCS devrait prendre immédiatement des mesures pour éviter que les que les soins qu'il prodigue ne tombent en deçà d'une norme acceptable à l'avenir.
173 En outre, bien que JCS ait effectivement préparé un plan de sécurité pour Misty, comme le stipulaient les conditions auxquelles était assujetti son permis, les stratégies décrites pour assurer sa protection - notamment ne jamais la laisser sans supervision - n’ont pas été mises en œuvre. À l’avenir, JCS devrait non seulement s’assurer que son personnel révise et comprenne les plans de sécurité des enfants, mais aussi que ceux-ci soit clairement documenté dans les dossiers de JCS, et il devrait s’assurer que les stratégies sont mises en œuvre par le personnel. JCS devrait également veiller à ce que son personnel applique ces plans de sécurité.
Recommandation 15
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer qu’un niveau de supervision adéquat soit exercé sur les enfants qui lui sont confié(e)s en tout temps.
Recommandation 16
Johnson Children’s Services Inc. devrait ordonner à son personnel de ne pas amener d’enfants au travail.
Recommandation 17
Johnson Children’s Services Inc. devrait veiller à ce que tous les parents responsables d’un foyer d’accueil et les membres du personnel révisent et mettent en œuvre les plans de sécurité des enfants qui leur sont confié(e)s et que ce soit documenté dans les dossiers de l’agence.
174 Lorsqu’un(e) enfant est placé(e) dans un établissement résidentiel situé à l’extérieur des frontières géographiques d’une société d’aide à l’enfance, il arrive souvent que la SAE responsable du placement conclue une « entente d’assistance de supervision » avec la société d’aide à l’enfance locale. Ces ententes portent habituellement sur des dispositions pratiques qui permettent à l’enfant de rencontrer en personne un(e) intervenant(e) social(e) qui surveillera son bien-être. Ces ententes sont censées être conclues avant le placement d’un(e) enfant ou, s’il s’agit d’une urgence, dans les 72 heures suivant le placement. Toutefois, aucune entente d’assistance de supervision n’a été conclue lorsque Misty a été déplacée vers une nouvelle ville dans le sud-ouest de l’Ontario.
175 Selon les dossiers d’Anishinaabe Abinoojii Family Services, l’intervenante sociale de Misty a laissé un message dans la boîte vocale générale de la SAE du sud-ouest cinq jours après le déplacement de Misty vers cette nouvelle région, mais n’a reçu aucune réponse. Lorsqu’on lui a demandé les raisons du retard à communiquer avec la SAE du sud-ouest, l’intervenante sociale nous a dit ne pas avoir été initialement informée du déplacement de Misty. Lorsqu’elle l’a appris, elle n’a pas réalisé sur le coup que le nouveau foyer d’accueil se trouvait sur le territoire d’une autre société d’aide à l’enfance. De son point de vue, venant du nord-ouest de l’Ontario, les placements n’étaient pas si éloignés l’un de l’autre. L’intervenante sociale nous a également dit qu’elle ne connaissait pas la procédure pour conclure des ententes d’assistance de supervision et qu’elle croyait que la responsabilité revenait à son(sa) superviseur(se). Pour ce qui est de la SAE du sud-ouest qui n’a pas répondu au message de l’intervenante, on nous a dit que la SAE n’avait pas de boîte vocale générale. Le personnel n’a pas retrouvé où ce message avait bien pu être laissé.
176 La SAE du sud-ouest n’a appris l’arrivée de Misty dans sa zone de desserte que lorsque la police l’a contactée l’informant que Misty avait été portée disparue à trois reprises. Après avoir appris le placement de Misty dans un foyer d’accueil de JCS, la préposée à l’accueil de la SAE a communiqué avec AAFS pour discuter de la situation de Misty et pour conclure avec elle une entente d’assistance de supervision.
177 On nous a dit que la SAE du sud-ouest jugeait le dossier de Misty urgent et hautement prioritaire compte tenu de l’information qu’elle avait obtenue de la police et du Réseau d’information pour la protection de l’enfance (RIPE), un système provincial utilisé par de nombreuses sociétés d’aide à l’enfance désignées en Ontario. Une autre société d’aide à l’enfance, intervenue dans les placements antérieurs de Misty, avait inscrit dans le RIPE que Misty était une enfant très vulnérable et susceptible d’être l’objet de traite de personnes et de consommer des drogues.
178 La préposée à l’accueil de la SAE du sud-ouest s’est entretenue avec l’intervenante sociale d’AAFS pour Misty. Elle a obtenu d’autres renseignements sur Misty et ses antécédents et a demandé que la SAE fasse une demande officielle d’entente d’assistance de supervision. Les protocoles de la SAE du sud-ouest stipulent que la SAE peut conclure des ententes de supervision entre organismes uniquement lorsqu’elle dispose de renseignements précis sur l’enfant et sur les services dont l’enfant a besoin. De cette façon, on s’assure que les deux parties comprennent bien leurs rôles et leurs responsabilités.
179 L’intervenante d’AAFS a accepté de transmettre les documents nécessaires et d’officialiser l’entente. Notre enquête ne nous a pas permis de vérifier si cela a été fait, ni si une entente d’assistance de supervision a été conclue. Néanmoins, manifestement la SAE du sud-ouest a fourni des services à Misty. Une travailleuse de son équipe autochtone a été affectée au dossier de Misty et a organisé une rencontre avec elle. On nous a dit que la rencontre était jugée urgente à cause des facteurs de risques que présentait Misty et parce qu’il y avait déjà plus de sept jours qu’elle avait été placée dans son nouveau foyer d’accueil. Aux termes du Règlement de l’Ontario no 156/19 et du Guide des politiques relatives aux enfants pris en charge, les enfants doivent recevoir la visite de leur intervenant(e) social(e) dans les sept jours suivant leur placement[48].
180 La SAE du sud-ouest a fourni de l’assistance de supervision à Misty sur une base informelle. Toutefois, comme il n’y avait pas d’entente, les parties n’avaient pas convenu des services précis qui seraient fournis à Misty ni des informations qui seraient transmises à Anishinaabe Abinoojii Family Services. De plus, initialement, la SAE du sud-ouest avait peu d’information sur les circonstances personnelles de Misty, car son intervenante sociale d’AAFS ne lui avait pas transmis les documents additionnels pertinents et parce que les renseignements du RIPE ne portaient que sur le placement relativement court de Misty avant son arrivée dans la zone de desserte de la SAE du sud-ouest. On n’y présentait pas un portrait complet des besoins complexes de Misty.
181 L’assistance en matière de supervision et les ententes qui la régissent sont plus que de simples formalités. Ce sont des mécanismes essentiels pour veiller à ce que les enfants obtiennent des services appropriés lorsqu’ils(elles) vivent loin de leur maison. Dans le cas de Misty, en raison de l’absence d’entente officielle et de communications formelles, la SAE du sud-ouest n’a pas su initialement que Misty séjournait dans la région, ni qu’elle aurait dû être étroitement supervisée et recevoir du soutien individuel. Ces omissions peuvent avoir entravé la capacité de la SAE de s’assurer que Misty reçoive les services adaptés à ses besoins.
182 Pour éviter de tels manquements à l’avenir, Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait veiller à conclure des ententes d’assistance de supervision qui stipulent les attentes et les responsabilités de chacune des sociétés d’aide à l’enfance. En outre, AAFS devrait élaborer sa propre politique pour guider son personnel lorsque de telles ententes sont conclues, et la SAE devrait former son personnel à cet égard. La politique devrait définir clairement les rôles et les responsabilités du personnel de première ligne et des gestionnaires, et AAFS devrait s’assurer de partager les renseignements pertinents au moment de négocier une entente d’assistance de supervision. À tout le moins, le personnel d’AAFS devrait s’assurer que l’autre société d’aide à l’enfance dispose de renseignements complets sur l’enfant et sur les services qu’il(elle) devrait obtenir, et qu’elle ait toute autre information pertinente. S’il y a des changements dans le placement d’un(e) enfant, le personnel d’AAFS devrait vérifier si le nouveau placement se trouve à l’intérieur de la zone géographique de la même société d’aide à l’enfance; et au besoin, une nouvelle entente d’assistance de supervision devrait être conclue.
Recommandation 18
Anishinaabe Abinoojii Family Services, lorsqu’elle place un(e) enfant à l’extérieur de sa région géographique, devrait veiller à conclure une entente d’assistance de supervision avec la société d’aide à l’enfance locale énonçant les attentes et les responsabilités des deux parties.
Recommandation 19
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait se doter d’une politique pour guider son personnel dans l’élaboration d’ententes d’assistance de supervision. Cette politique devrait inclure :
- Une description des rôles et des responsabilités du personnel de première ligne et des gestionnaires;
- La nécessité de partager l’information appropriée avec la société d’aide à l’enfance locale lorsque les ententes sont négociées, y compris tous les renseignements pertinents sur l’enfant et les services qu’il(elle) devrait obtenir.
Recommandation 20
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que son personnel reçoive une formation sur la politique régissant les ententes d’assistance de supervision faisant l’objet de la recommandation 19.
Recommandation 21
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait vérifier, lorsqu’un(e) enfant recevant des services d’une société d’aide à l’enfance en vertu d’une entente d’assistance de supervision est déplacé(e), de quelle SAE relève le nouveau placement et, s’il y a lieu, devrait conclure avec cette SAE une nouvelle entente d’assistance de supervision.
183 La réponse de Johnson Children’s Services et de son personnel aux disparitions de Misty est un autre problème important ressortant de la présente enquête. JCS a un protocole et des procédures relativement robustes décrivant les mesures à prendre si un(e) enfant échappe à sa surveillance. Toutefois, notre enquête a révélé que son personnel n’avait pas suivi le protocole ni les procédures pour déterminer les mesures à prendre à la suite d’une fugue de Misty.
184 Les procédures et le protocole de JCS relatifs à une disparition font une différence entre l’absence les enfants et les jeunes selon trois circonstances :
-
Un(e) enfant peut être absent(e) sans permission si, par exemple, il(elle) ne respecte pas le couvre-feu ou s’il(elle) quitte la résidence sans la permission du parent responsable du foyer d’accueil.
-
Un(e) enfant est porté(e) disparu(e) s’il(elle) ne revient pas après s’être absenté(e) sans permission ou si son absence sans permission est associée à une liste de facteurs suggérant un risque plus élevé (p. ex., l’enfant est âgé(e) de moins de 12 ans; l’enfant a un historique récent et répété de consommation de drogues; l’enfant est soupçonné(e) d’être associé(e) à des personnes qui représentent une menace immédiate, comme un proxénète).
-
La troisième catégorie d’absence a trait à l’enlèvement d’enfants et de jeunes.
185 La deuxième étape du protocole exige de déterminer le niveau de risque auquel est exposé(e) l’enfant. Il y a trois niveaux :
-
Faible : Aucun risque;
-
Moyen : L’enfant est susceptible d’être en danger, ou l’enfant est une menace pour lui(elle)-même ou les autres;
-
Élevé : Le danger est immédiat et il y a des motifs sérieux de croire que l’enfant peut être victime d’un crime grave ou qu’il(elle) est en danger en raison de sa vulnérabilité.
186 En vertu du protocole, JCS doit immédiatement informer la SAE responsable du placement lorsqu’un(e) enfant est porté(e) disparu(e), peu importe la catégorie de l’absence. On y prévoit que JCS collaborera avec la SAE pour partager de l’information au sujet de l’enfant, déterminera les mesures à prendre et les étapes à suivre pour le(la) localiser et décidera qui est responsable de chaque étape. Dans les situations où l’enfant est considéré(e) comme « disparu(e) » ou « enlevé(e) », le protocole stipule que JCS sera en constante communication avec la SAE responsable du placement.
187 Notre enquête n’a pas trouvé d’éléments prouvant que JCS avait évalué le niveau de risque auquel était exposée Misty et adapté en conséquence sa réponse. Nous avons également trouvé peu de preuves démontrant que la SAE d’AAFS et la SAE du sud-ouest avaient été consultées sur les mesures à prendre pour retrouver Misty.
188 De plus, notre enquête a déterminé que les mesures prises par JCS en réaction à l’absence de Misty étaient inadéquates. Dans un cas, le personnel n’a signalé la disparition à la police que plus de quatre heures plus tard. Aussi, le personnel n’a pas fourni à la police les renseignements qui illustraient la gravité de l’absence de Misty et le danger auquel elle était exposée, et ce, même si son plan de sécurité précisait que toute absence présentait un risque élevé. Au contraire, les notes de la police indiquent clairement qu’on lui a réitéré à maintes reprises que l’absence de Misty ne représentait pas un danger pour sa sécurité.
189 Les meilleurs protocoles et les meilleures procédures ne servent à rien si le personnel n’en tient pas compte. Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer que son personnel reçoive une formation sur les procédures et les protocoles relatifs aux disparitions de façon à être en mesure de les appliquer lorsqu’un(e) enfant est porté(e) disparu(e). JCS devrait également s’assurer que son personnel fournisse des renseignements exacts, complets et à jour à la police au sujet des enfants porté(e) disparu(e)dont il a la charge.
Recommandation 22
Johnson Children’s Services Inc. devrait veiller à ce que son personnel reçoive une formation entourant les procédures et protocoles relatifs à la disparition des personnes de façon à être en mesure d’y donner suite lorsqu’un(e) enfant disparaît.
Recommandation 23
Johnson Children’s Services Inc. devrait également s’assurer que son personnel fournisse des renseignements exacts, complets et à jour à la police au sujet des enfants porté(e)s disparu(e)s dont il a la charge.
190 Durant les dix-neuf jours au cours desquels Misty a été portée disparue, ni la société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario ni Anishinaabe Abinoojii Family Services n’ont demandé de mandat d’appréhension, aussi connu sous le nom de mandat de la protection de l’enfance[49]. En vertu de l’article 83 de la Loi de 2017 sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille, les sociétés d’aide à l’enfance peuvent obtenir un mandat pour appréhender un(e) enfant qui se soustrait sans permission aux soins et le(la) ramener dans un lieu sûr. Ce mandat est exceptionnel, car il n’est pas nécessaire d’y indiquer l’endroit où se trouve l’enfant[50]; il accorde le pouvoir légal à la police ou aux préposé(e)s à la protection de l’enfance d’amener un enfant sans son consentement dans un lieu sûr même s’il n’est pas exposé à un danger imminent[51].
191 Un mandat de la protection de l’enfance est un outil extrêmement utile lorsque l’on cherche un(e) enfant porté(e) disparu(e), car il permet à la police et aux préposé(e)s à la protection de l’enfance de pénétrer un lieu où l’enfant se trouve peut-être et de l’obliger à en sortir. Les autres mandats de la police et dispositions en vertu de la LSEJF sont plus restreints. Par exemple, les mandats d’arrêt, y compris celui délivré pour Misty après qu’elle eut violé les conditions de sa libération sous caution, permettent à la police de pénétrer un lieu uniquement si le lieu en question est expressément indiqué dans le mandat signé[52]. Les enfants pris(ses) en charge peuvent être amené(e) s dans un lieu sûr sans mandat uniquement lorsqu’ils(elles) sont âgé(e) s de moins de 16 ans, s’il(elle)s se sont soustrait(e) s aux soins sans consentement et si leur santé ou leur sécurité est sérieusement menacée pendant la période requise pour obtenir le mandat[53].
192 Lorsque nous avons demandé à la superviseuse de la SAE du sud-ouest pourquoi la SAE n’avait pas obtenu de mandat de la protection de l’enfance, elle nous a répondu que la SAE ne croyait pas que c’était utile ou nécessaire vu que Misty faisait déjà l’objet de plusieurs autres mandats d’arrêt pour avoir violé les conditions de sa libération sous caution. Toutefois, les mandats d’arrêt ne confèrent pas à la police le même pouvoir de pénétrer des lieux privés à la recherche d’enfants disparu(e) s. Ils donnent simplement le droit à la police d’arrêter une personne si elle est retrouvée dans la collectivité ou dans un lieu précis explicitement indiqué dans le mandat. Les politiques de la SAE du sud-ouest spécifient la possibilité d’obtenir un mandat de la protection de l’enfance lorsqu’il peut s’avérer difficile de ramener l’enfant, mais on y note que la police locale n’exige généralement pas ce mandat lorsque l’enfant disparu(e) est âgé(e) de moins de 16 ans. Nous n’avons rien trouvé indiquant que la SAE avait discuté avec la police de la possibilité qu’un tel mandat puisse aider aux recherches pour retrouver Misty. Nous n’avons pas trouvé d’indications non plus selon lesquelles le personnel d’AAFS connaissait l’existence des mandats de la protection de l’enfance ou s’était informé de la possibilité d’en obtenir un.
193 Même si on ne peut pas savoir comment se seraient déroulées les recherches si l’une ou l’autre des sociétés d’aide à l’enfance avait obtenu un mandat de la protection de l’enfance, il reste que cela aurait fourni à la police un outil puissant de plus dans la recherche de Misty. Durant les recherches, des policiers(ières) se sont présentés dans des lieux qu’ils croyaient fréquentés par Misty. Ou bien personne ne leur ouvrait, ou bien les occupant(e)s niaient connaître Misty et refusaient de les laisser entrer. S’il(elle)s avaient eu un mandat de la protection de l’enfance, les policiers(ières) auraient pu pénétrer ces lieux. En outre, on savait que Misty était à risque d’être l’objet de traite de personnes ailleurs au Canada. Un mandat de la protection de l’enfance aurait pu alerter les services policiers d’autres régions, les informant qu’elle était portée disparue et censée être prise en charge par la protection de l’enfance.
194 Anishinaabe Abinoojii Family Services et la société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario devraient s’assurer que leur personnel reçoive de la formation sur les mandats de la protection de l’enfance, les pouvoirs conférés par ces mandats et la procédure pour en faire la demande. Chacune des SAE devrait également se doter de lignes directrices précisant les circonstances dans lesquelles le personnel devrait avoir recours à un tel mandat.
Recommandation 24
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que son personnel reçoive de la formation sur les mandats de la protection de l’enfance, les pouvoirs conférés par ces mandats et la procédure pour en faire la demande.
Recommandation 25
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait se doter de lignes directrices précisant les circonstances dans lesquelles le personnel devrait demander un mandat de la protection de l’enfance.
Recommandation 26
La société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario devrait s’assurer que son personnel reçoive de la formation sur les mandats de la protection de l’enfance, les pouvoirs conférés par ces mandats et la procédure pour en faire la demande.
Recommandation 27
La société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario devrait se doter de lignes directrices précisant les circonstances dans lesquelles le personnel devrait demander un mandat de la protection de l’enfance.
195 Johnson Children’s Services doit détenir un permis du ministère. La Loi exige aussi que JCS fournisse une copie de son permis aux SAE responsables des placements avant de placer un(e) enfant dans un de ses foyers, ce que JCS a fait dans le cas qui nous intéresse[54].
196 JCS avait un historique de non-conformité et le ministère avait assujetti le permis dont il était titulaire à l’époque à des conditions plus contraignantes, notamment l’obligation de remettre au ministère les horaires de travail de son personnel. Cependant, selon notre enquête, JCS n’a pas respecté cette condition pendant le placement de Misty dans ses foyers d’accueil. Par conséquent, mon Bureau a eu du mal à déterminer le niveau de supervision dans les foyers où a résidé Misty et si elle avait effectivement obtenu le soutien individuel pour lequel Anishinaabe Abinoojii Family Services avait payé.
197 Il ne s’agissait pas de la première infraction de JCS aux conditions de son permis. En fait, le ministère tenait une réunion toutes les deux semaines avec JCS dans le but d’améliorer la communication avec l’agence et de remédier à des problèmes « d’exactitude, de respect des délais et de coopération ». Mais ces réunions ont été interrompues durant la pandémie de COVID-19, notamment durant le placement de Misty.
198 Les conditions du permis de JCS ne sont pas des conditions ordinaires. Elles auraient dû inciter JCS à améliorer ses pratiques, mais cela n’a pas été le cas. En fait, en novembre 2022, le ministère a assujetti le permis de JCS à de nouvelles conditions. Au moment de la rédaction du présent rapport, JCS n’est pas autorisé, entre autres choses, à recevoir d’autres enfants dans aucun de ses foyers d’accueil de type parental ni à ouvrir de nouveaux foyers d’accueil de type parental. Johnson Children’s Services Inc. devrait analyser attentivement toutes les conditions de son permis et prendre des mesures pour s’assurer de les respecter dans leur entièreté. JCS devrait également se doter d’un plan d’amélioration global qui, une fois entièrement déployé, modérerait les appréhensions qui ont amené le ministère à assujettir son permis à des conditions. Et JCS devrait avoir comme but à long terme de faire supprimer ces conditions de son permis.
Recommandation 28
Johnson Children’s Services Inc. devrait examiner attentivement les conditions de son permis et les respecter.
Recommandation 29
Johnson Children’s Services Inc. devrait également se doter d’un plan d’amélioration global qui, une fois entièrement déployé, modérerait les appréhensions qui ont amené le ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires à assujettir son permis à des conditions; et il devrait avoir comme but à long terme de faire supprimer ces conditions de son permis.
199 Le nombre et la nature des conditions du permis de JCS auraient dû servir d’avertissement à Anishinaabe Abinoojii Family Services, qui avait d’ailleurs appris plus tôt qu’une autre SAE refusait de confier ses propres enfants aux soins de cette agence. Les sociétés d’aide à l’enfance devraient pouvoir se fier au processus de délivrance des permis du ministère pour évaluer une agence responsable de foyers d’accueil. Mais notre enquête n’a pas trouvé d’éléments indiquant qu’AAFS avait examiné ou considéré les conditions du permis de JCS avant de confier Misty à ses soins. Même s’il existait peu d’options de placement pour Misty, en connaissant les conditions auxquelles était assujetti le permis de JCS, AAFS aurait peut-être porté plus attention aux aspects qui exigeaient un contrôle plus étroit.
Recommandation 30
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait examiner les permis des titulaires de permis d’établissement résidentiel et les différentes conditions auxquelles sont assujettis ces permis avant de leur confier des enfants.
Recommandation 31
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait considérer les conditions imposées au titulaire d’un permis d’établissement résidentiel lorsqu’il surveille les services que ce titulaire de permis fournit à l’enfant qu’il lui a confié(e).
200 La communication entre JCS et les autres organismes au sujet des soins de Misty était souvent plutôt déficiente. JCS n’a pas informé AAFS ni obtenu son autorisation avant de déplacer Misty dans le sud-ouest de l’Ontario. Aussi, AAFS a eu peine à demeurer en contact avec JCS durant les recherches pour trouver Misty. La spécialiste des ressources de JCS, qui devait être la principale personne-ressource pour AAFS, ne répondait pas au téléphone, ne rappelait pas et ne répondait pas aux messages textes. En fin de compte, sa boîte vocale s’est remplie et il n’était plus possible de laisser de messages. La police et le personnel de la SAE du sud-ouest avaient également du mal à la joindre.
201 Certains des problèmes de communication peuvent s’expliquer par le fait que la spécialiste des ressources a pris un congé pendant la disparition de Misty. Étant donné la gravité de la situation, le fait que JCS n’ait pas avisé les autres organismes de l’affectation d’une nouvelle personne-ressource au dossier de Misty est une erreur grave.
202 Johnson Children’s Services Inc. devrait faire en sorte de maintenir des communications efficaces avec les autres organismes qui offrent des services aux enfants confié(e)s à ses foyers d’accueil. Si un(e) membre de son personnel n’est plus la personne-ressource attitrée, JCS devrait en informer les autres organismes et leur dire qui contacter à la place.
Recommandation 32
Johnson Children’s Services Inc. devrait faire en sorte de maintenir des communications efficaces avec les autres organismes impliqués dans des services à un(e) enfant. Si un(e) membre de son personnel n’est plus la personne-ressource attitrée, Johnson Children’s Services Inc. devrait en informer de manière proactive les autres organismes et leur dire qui contacter à la place.
203 Les rapports d’incidents graves font partie des nombreux mécanismes visant à assurer la protection des enfants pris(ses) en charge et à donner au ministère un moyen de surveiller la pertinence et la qualité des services fournis par les titulaires d’un permis. Il existe une procédure particulière pour gérer les incidents qui surviennent, pour documenter les incidents et les interventions, et pour assurer une surveillance afin d’éviter ou de réduire de tels incidents à l’avenir.
204 Tous(tes) les membres du personnel de Johnson Children’s Services, d’Anishinaabe Abinoojii Family Services et de la SAE du sud-ouest doivent suivre les lignes directrices du ministère en ce qui concerne le signalement d’incidents graves. Ces lignes directrices établissent deux niveaux « d’incidents graves » : le niveau 1, exigeant la production d’un rapport dans l’heure suivant l’incident et le niveau 2, exigeant la production d’un rapport dès que possible, mais au plus tard dans les 24 heures suivant l’incident. D’autres mises à jour doivent être fournies au ministère jusqu’à ce que le ministère indique que ce n’est plus nécessaire. JCS a d’autres politiques pour opérationnaliser ces exigences.
205 Le ministère avait signalé auparavant des problèmes relativement au non-respect par JCS de ses obligations en matière de signalement d’incidents graves. Or, notre enquête a révélé qu’à de nombreuses occasions JCS n’a pas respecté lesdites obligations. Par exemple, nous avons appris que plusieurs incidents liés à Misty semblent, selon le souvenir qu’en ont des témoins et la documentation dont on dispose à ce sujet, répondre à l’exigence de produire un rapport d’incidents graves. Dans un exemple, on nous a dit avoir découvert que Misty accumulait des médicaments dans sa chambre. Dans un autre, on a appris que Misty et d’autres adolescentes avaient été laissées seules sans surveillance dans le foyer et qu’une jeune fille avait eu un problème de santé grave nécessitant une intervention médicale d’urgence. Et dans un troisième, on nous a dit que la police avait trouvé des pipes pour fumer de la méthamphétamine en cristaux et des sacs en plastique vides lorsqu’elle avait fouillé la chambre de Misty. Toutefois, il n’y a pas de preuves documentées selon lesquelles JCS a produit un rapport dans l’un ou l’autre de ces trois cas.
206 Le directeur général de JCS nous a dit ne pas être au courant des détails de ces incidents, mais il a convenu qu’ils répondaient aux critères nécessitant de soumettre un rapport au ministère. Sans ces rapports, JCS n’avait pas de documentation de ces incidents graves outre que le souvenir de témoins. Le ministère ainsi que la SAE du sud-ouest et AAFS ont été tenus dans l’ignorance. Plus inquiétant encore, JCS n’a pas eu l’occasion d’examiner de manière proactive comment de tels incidents pouvaient être évités ou atténués.
Recommandation 33
Johnson Children’s Services Inc. devrait faire en sorte de signaler tous les incidents graves conformément aux lignes directrices de signalement d’incidents graves du ministère et à ses propres politiques et procédures.
207 Et même lorsque JCS a signalé des incidents graves reliés aux soins de Misty, les rapports n’ont pas toujours été produits rapidement et ils manquaient souvent des détails exigés selon les lignes directrices du ministère. Lorsque des enfants sont porté(e)s disparu(e)s, les fournisseurs de services en établissement sont les premiers responsables de transmettre ces rapports au ministère. Les lignes directrices de signalement recommandent la désignation « niveau 1 » (aviser le ministère dans l’heure suivant la disparition) dans les cas où la disparition « soulève de graves craintes pour la sécurité de la personne »[55]. Les lignes directrices stipulent des renseignements très précis à inclure dans les rapports d’incidents graves au sujet d’un(e) enfant disparu(e) afin d’aider le ministère et les autres acteurs qui lisent le rapport à évaluer le risque auquel est exposé(e) l’enfant[56].
208 Dans chacun des rapports d’incidents graves soumis par JCS au ministère durant les périodes où Misty a été portée disparue, il était explicitement indiqué que son absence ne soulevait pas de préoccupation grave au chapitre de sa sécurité dans l’immédiat. JCS a attribué un niveau 2 à ces rapports plutôt que le niveau 1, qui est plus sérieux. Cette désignation est impossible à justifier, considérant que JCS connaissait les facteurs de risques que présente Misty - ces facteurs sont documentés dans son plan de sécurité, dont un historique de traite de personnes - et considérant que le plan de sécurité de Misty indique que toutes les fugues de Misty présentent un risque élevé.
209 D’autres renseignements importants manquaient aux rapports soumis. Par exemple, Misty a réapparu brièvement durant la période de sa disparition, et plusieurs témoins ont dit qu’elle était intoxiquée, qu’elle avait faim et qu’elle était couverte de vomi. Lorsqu’elle a disparu à nouveau quelques heures plus tard, cette information n’a pas été signalée dans la mise à jour du rapport d’incidents graves et n’a pas incité JCS à changer le niveau de risque de 2 à 1. Plus généralement, les rapports ne contenaient pas les renseignements obligatoires prescrits par le ministère que doivent contenir les rapports d’enfants disparu(e)s, incluant des détails sur les mesures prises pour localiser Misty, ses antécédents de fugues et son état d’esprit lorsqu’elle est partie. Ces omissions ont bien pu faire que le personnel et d’autres n’aient pas saisi l’ampleur du danger auquel était exposé Misty durant sa disparition.
210 Les rapports d’incidents graves sont efficaces et significatifs s’ils contiennent tous les renseignements pertinents reliés à l’incident et s’ils reflètent le véritable niveau de risque auquel fait face un(e) enfant dans une situation particulière. Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer que son personnel reçoive une formation complète sur les lignes directrices du ministère au sujet du signalement d’incidents graves. JCS devrait également s’assurer que les rapports d’incidents graves contiennent tous les renseignements pertinents sur un incident, y compris toute information spécifique identifiée comme obligatoire par les lignes directrices du ministère. De plus, JCS devrait s’assurer d’évaluer avec précision le risque que présente chaque incident, conformément aux lignes directrices du ministère, et le signaler.
Recommandation 34
Johnson Children’s Services Inc. devrait donner de la formation à son personnel sur les lignes directrices du ministère entourant le signalement d’incidents graves.
Recommandation 35
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer que ses rapports d’incidents graves contiennent tous les renseignements pertinents sur un incident, y compris toute information spécifique identifiée comme obligatoire par les lignes directrices du ministère pour les rapports d’incidents graves.
Recommandation 36
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer d’évaluer avec précision et de signaler le risque que présente chaque incident, conformément aux lignes directrices des rapports d’incidents graves du ministère.
211 Outre la procédure de signalement des incidents graves du ministère, la loi exige que tous les titulaires d’un permis - y compris Johnson Children’s Services - informent mon Bureau sans délai démesuré s’ils apprennent le décès ou s’ils sont informés de lésions corporelles graves subies par un(e) enfant ayant obtenu des services dans les douze mois précédents[57]. Quoique non définie par règlement, une lésion corporelle grave s’entend de toute blessure qui exige un traitement médical autre que des premiers soins de base.
212 Lorsque Misty est revenue à son foyer d’accueil après une absence de dix-neuf jours, elle a dit à la police avoir récemment fait une surdose et avoir été réanimée avec deux doses de naloxone. Elle a également dit avoir à nouveau consommé des drogues après avoir reçu de la naloxone, ce qui peut présenter un danger considérable. En fonction de cette information, les policiers(ières) l’ont immédiatement conduite à l’hôpital pour une évaluation médicale. Même si Misty n’a pas souffert de conséquences graves, une telle surdose correspond à une lésion corporelle grave et aurait dû être signalée à mon Bureau en vertu du Règlement de l’Ontario 80/19. Pourtant, aucun rapport de ce type n’a été soumis par JCS, ni par la SAE du sud-ouest ou par AAFS, qui étaient tous au courant des faits. Mon Bureau n’a pas reçu non plus de rapport de JCS à une occasion précédente, lorsque Misty a été conduite à l’hôpital pour être traitée à la suite d’une agression. Elle était revenue à son foyer d’accueil avec des ecchymoses sur tout le corps, du sang coulant le long de ses jambes et les cheveux en broussailles. JCS était au courant de cet incident et aurait dû le signaler. On ne sait toutefois pas s’il en avait informé la SAE du sud-ouest ou AAFS.
213 Les exigences sur le signalement des décès et lésions corporelles graves sont un mécanisme de surveillance important. Chacun de ces organismes devrait réviser ces exigences, qui sont énoncées dans le R.O. 80/19, et s’assurer que leur personnel reçoive une formation sur le signalement de tous les incidents qui causent le décès d’un(e) enfant ou des lésions corporelles graves. Mon Bureau donne de la formation en ligne gratuite sur les exigences de signalement. Le personnel de la SAE du sud-ouest a déjà suivi cette formation et j’encourage les deux autres organismes à y inscrire également les membres de leur personnel concerné(e)s.
Recommandation 37
Johnson Children’s Services Inc. devrait réviser les exigences en matière de signalement de décès et lésions corporelles graves du Règlement de l’Ontario 80/19 et donner une formation à cet effet à son personnel, et JCS devrait signaler tous les incidents entraînant le décès d’un(e) enfant ou des lésions corporelles graves, conformément à ces exigences.
Recommandation 38
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait réviser les exigences en matière de signalement des décès et lésions corporelles graves du Règlement de l’Ontario 80/19 et donner une formation à cet effet à son personnel, et AAFS devrait signaler tous les incidents entraînant le décès d’un(e) enfant ou des lésions corporelles graves, conformément à ces exigences.
Recommandation 39
La société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario devrait réviser les exigences en matière de signalement des décès et lésions corporelles graves du Règlement de l’Ontario 80/19 et donner une formation à cet effet à son personnel et la SAE devrait signaler tous les incidents entraînant le décès d’un(e) enfant ou des lésions corporelles graves, conformément à ces exigences.
214 Notre enquête a déterminé que les employé(e)s de la SAE du sud-ouest ont tenu de façon exemplaire les notes sur l’information reçue concernant Misty et sur les mesures prises pour lui fournir des soins et la rechercher au moment de sa disparition. La SAE doit être félicitée à cet égard. Ses bonnes pratiques ont été très utiles pour permettre à mon Bureau de reconstituer les circonstances de cette période où Misty se trouvait dans sa zone de desserte. En revanche, la tenue des dossiers et la prise de notes par le personnel d’Anishinaabe Abinoojii Family Services et de Johnson Children’s Services comportent d’énormes lacunes.
215 AAFS s’est doté d’un système informatique pour la tenue de ses dossiers. Les directives du ministère et les politiques d’AAFS exigent que le personnel documente les questions reliées aux enfants qui sont confié(e)s aux soins de la SAE. De cette façon, un dossier historique est créé, on assure la continuité entre les différents fournisseurs de soins et les enfants obtiennent les meilleurs soins et services possibles. La documentation permet à d’autres intervenant(e)s, incluant les superviseurs(ses), de comprendre les mesures mises en œuvre pour soutenir l’enfant pris(se) en charge et elle permet aux autorités réglementaires, comme le ministère ou mon Bureau, d’examiner la pertinence des interventions d’un organisme. En l’absence de dossiers écrits clairs et complets, il peut être difficile de reconstituer ce qui s’est passé, surtout lorsque les témoignages se contredisent.
216 Notre enquête a décelé d’importantes lacunes au sujet de la documentation d’AAFS. De nombreuses conversations entre l’intervenante sociale de Misty et d’autres personnes chargées de ses soins n’ont pas été documentées du tout, ou l’ont été très longtemps après leur déroulement (plus de six mois après). Certains messages, y compris des messages textes échangés entre l’intervenante d’AAFS et la spécialiste des ressources de JCS, n’ont jamais été entrés dans le système et, en fin de compte, ont disparu de leurs téléphones respectifs.
217 Aux termes des Normes de la protection de l’enfance de l’Ontario, toutes les notes de cas doivent être contemporaines et entrées « rapidement » dans le système informatique (p. ex. dans les 24 heures). Les notes de cas doivent contenir la date, l’heure, la méthode de contact et les noms des personnes engagées dans la discussion ou dont il est question, ainsi que les dates, les décisions et les remarques importantes liées aux contacts[58]. Les normes indiquent que la prise de notes rapidement en assure l’exactitude et que remettre cet exercice nuit à la capacité des intervenant(e)s de se souvenir indépendamment de faits importants. L’intervenante d’AAFS affectée à Misty nous a dit qu’elle connaissait cette norme, mais qu’elle n’avait jamais suivi de formation sur la tenue de notes de cas ou sur les registres de contacts. En raison du manque de documentation, il a été difficile de confirmer si AAFS avait été informée du déplacement de Misty d’un foyer d’accueil à un autre, de ses disparitions, des modifications de son régime de soutien individuel et d’autres questions importantes.
218 Nous avons aussi relevé d’importantes lacunes dans la pertinence de la documentation de JCS. Selon les politiques et procédures de JCS, les parents responsables des foyers d’accueil doivent tenir un « journal de bord » pour chaque enfant qui leur est confié(e). Le journal de bord doit documenter, entre autres choses, des incidents inhabituels, des évènements ou des comportements et incidents touchant la santé, la sécurité et le bien-être des enfants[59]. La politique précise que le journal de bord a pour but d’assurer la « continuité des soins » et que tout renseignement susceptible d’être utile à de futurs fournisseurs de soins devrait y être consigné.
219 Le directeur général de JCS nous a dit qu’à compter de 2020, le personnel et les parents des foyers d’accueil devaient consigner l’information sur les enfants qui leur sont confié(e)s à l’aide d’un logiciel que s’était procuré récemment JCS. Nous avons examiné les dossiers conservés dans ce système informatique et y avons trouvé très peu d’information sur l’expérience quotidienne de Misty avec les foyers d’accueil de JCS. Certain(e)s membres du personnel nous ont dit ne pas connaître le logiciel en question et ne pas avoir de moyens pour y accéder.
220 On nous a dit que des employé(e)s de première ligne du premier foyer d’accueil où a séjourné Misty dans la ville du sud-ouest de l’Ontario consignaient l’information dans un « registre de communication » physique gardé dans le foyer. Le directeur général a d’abord nié l’existence de ce registre, mais on nous a dit que, par la suite, le registre avait disparu sans explication - à un moment inconnu et de façon inconnue - avant que notre Bureau puisse l’obtenir aux fins de la présente enquête. Nous avons réussi à mettre la main sur un exemplaire d’un « registre de communication » qui portait en grande partie sur la période après la disparition de Misty.
221 Et même lorsqu’il y avait de l’information sur Misty, il manquait souvent des détails essentiels. Par exemple, la mère responsable du deuxième foyer d’accueil où a séjourné Misty dans la ville du sud-ouest de l’Ontario a entré des notes dans le système informatique de JCS. Ses notes prises le jour où Misty est revenue brièvement dans le foyer après sa fugue ne contiennent pas de détails pertinents sur l’état de bien-être de Misty. Et il n’y avait aucune note au sujet de sa nouvelle disparition. Ce qui veut dire qu’il n’y a pas de documentation du contact entre la police et le foyer d’accueil, de la rencontre de la spécialiste des ressources de JCS avec la police, de la fouille de la chambre de Misty par la police et du fait que Misty a été retrouvée et qu’elle a été par la suite retirée du foyer d’accueil. On ne sait pas au juste pourquoi ces évènements n’ont pas été documentés. Cependant, on nous a dit que le personnel de JCS et les parents des foyers d’accueil ne reçoivent pas de formation sur la prise de notes de cas, sur la tenue de registres de contacts ni sur d’autres types de documentation.
222 Nous avons découvert chez JCS de nombreux autres exemples de documents importants manquants ou incomplets. Il y avait très peu de documentation écrite sur les mesures prises par le personnel pour chercher Misty ou peu de détails entourant leurs interactions avec la police. Beaucoup d’employé(e)s nous ont dit avoir participé aux recherches pour retrouver Misty, mais on ne nous a pas fourni de notes attestant de ce fait, ni de renseignements qu’ils auraient découverts pour aider dans la recherche. Notamment, la spécialiste des ressources de JCS a dit avoir signalé à la police qu’elle avait vu Misty se rendre à une adresse en particulier et que la police a fini par donner suite à ce signalement. Or, bien que les policiers(ières) aient documenté l’évènement en détail, rien n’est mentionné dans les dossiers de JCS.
223 Anishinaabe Abinoojii Family Services et Johnson Children’s Services devraient tous deux consentir des efforts concertés pour améliorer leurs pratiques de documentation. Ils devraient s’assurer que tous leurs employé(e)s qui interviennent auprès des enfants suivent une formation sur la documentation et la consignation des renseignements pertinents à leur sujet et sur la saisie de ces données dans leurs systèmes informatiques respectifs. Toutes les communications, incluant les appels téléphoniques, les réunions en personne, les courriels, les messages textes, devraient être documentées. Lorsqu’un incident survient impliquant un(e) enfant pris(e) en charge, chaque employé(e) concerné(e) devrait documenter les circonstances dans le rapport d’incident et, si nécessaire, il devrait produire un rapport d’incidents graves. Si un(e) superviseur(se) révise un dossier et fournit des commentaires à l’intervenant(e), tous deux devraient respectivement documenter cet échange dans le dossier de l’enfant. Les deux organismes devraient se doter d’un système de révision des dossiers afin de vérifier que leur personnel respecte les exigences en matière de documentation.
224 JCS devrait également s’assurer que le personnel qui intervient auprès des enfants ait accès au logiciel utilisé pour consigner les informations sur les enfants et les soins fournis.
Recommandation 40
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que le personnel qui fournit des services aux jeunes soit formé pour documenter et saisir en temps opportun dans son système informatique tous les renseignements pertinents concernant un(e) enfant.
Recommandation 41
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer de documenter les incidents conformément aux Normes de la protection de l’enfance de l’Ontario, lesquelles exigent que les notes de cas soient contemporaines et contiennent la date, l’heure, la méthode de contact et les noms des personnes engagées dans la discussion ou dont il est question, ainsi que les dates, les décisions et les remarques importantes reliées aux contacts.
Recommandation 42
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que la rétroaction ou les directives d’un(e) superviseur(se) soient documentées dans le dossier de l’enfant par l’intervenant(e) et par son(sa) superviseur(se).
Recommandation 43
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer que tous(tes) les membres du personnel qui fournissent des services aux jeunes soient formés pour documenter et saisir en temps opportun à l’aide de son logiciel tous les renseignements pertinents concernant un(e) enfant.
Recommandation 44
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer que toutes les communications, incluant les appels téléphoniques, les réunions en personne, les courriels et les messages textes, soient documentées.
Recommandation 45
Johnson Children’s Services Inc. devrait veiller à ce que chaque employé(e) impliqué(e) dans un incident lié à un(e) enfant pris(e) en charge en documente les circonstances, incluant au besoin dans un rapport d’incidents graves.
Recommandation 46
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer que la rétroaction ou les directives d’un(e) superviseur(se) soient documentées dans le dossier de l’enfant par l’intervenant(e) et par son(sa) superviseur(se).
Recommandation 47
Johnson Children’s Services Inc. devrait faire en sorte que les employé(e)s susceptibles de fournir des soins aux enfants - incluant les parents des foyers d’accueils, les préposé(e)s à l’enfance et à la jeunesse et d’autres - aient accès au logiciel utilisé pour documenter les incidents liés aux enfants qui leur sont confié(e)s.
225 J’ai déjà signalé les formations dans certains domaines en particulier que devraient offrir à leurs employé(e)s Johnson Children’s Services Inc. et Anishinaabe Abinoojii Family Services. Toutefois, mon enquête a également soulevé d’autres problèmes au sujet de la pertinence de la formation que donnent ces organismes à leur personnel.
226 Notre enquête a décelé d’importantes lacunes dans la formation du personnel de JCS. Les employé(e)s ne connaissaient pas les politiques et les procédures pertinentes de l’organisme, ce qui a vraisemblablement nui à leur capacité de répondre aux besoins complexes de Misty et d’assurer sa protection.
227 Le personnel et les parents des foyers d’accueil à qui nous avons parlé ont indiqué que JCS, règle générale, ne leur donnait pas de formation interactive. Ils signent plutôt une déclaration attestant avoir lu un certain nombre de politiques. Par exemple, ils ne recevaient pas de formation sur des aspects importants de leur travail, notamment la prise de notes de cas et la production de rapports d’incidents ou de rapports d’incidents graves. La chose est particulièrement inquiétante étant donné que le ministère avait déjà soulevé des problèmes relatifs à l’efficacité et la pertinence de la formation offerte par JCS, notamment en rapport avec le signalement d’incidents graves. Une personne nous a dit que la procédure d’embauche de JCS était très informelle comparativement à celle d’autres organismes pour qui elle avait travaillé. Elle a dit qu’elle avait été contactée par la spécialiste des ressources de JCS – par l’intermédiaire d’un ami commun – et que celle-ci lui avait demandé si elle voulait commencer à travailler le lendemain ou deux jours plus tard. On ne lui a pas demandé de suivre de formation, de fournir de références ou de soumettre les résultats de la vérification de son aptitude à travailler auprès de personnes vulnérables -– mais elle a dit en avoir fait la demande et a présenté l’accusé de réception.
228 La mère d’un foyer d’accueil à laquelle nous avons parlé a dit qu’elle n’avait pas d’expérience préalable et qu’elle n’avait pas suivi les programmes de formation (connus sous les acronymes PRIDE et SAFE[60]) fréquemment offerts aux familles d’accueil et que doivent suivre les fournisseurs de soins aux enfants placé(e) s par des sociétés d’aide à l’enfance. Elle a dit que la seule formation reçue de JCS portait sur la façon de remplir les rapports d’administration de médicaments.
229 Dans son propre cartable de politiques, JCS précise que les nouveaux employé(e)s doivent effectuer cinq quarts de travail d’orientation avant de pouvoir fournir des services en résidence à des enfants. On y note que ces quarts d’orientation incluent la lecture du cartable de politiques et de procédures, une formation sur les protocoles de sécurité et une formation sur les procédures à suivre durant les quarts de travail.
230 Concrètement, les parents des foyers d’accueil et le personnel qui les seconde ont le rôle le plus important et de terrain en ce qui concerne les soins et services fournis aux enfants. Il est essentiel que ces personnes reçoivent une formation adéquate, incluant qu’elles suivent périodiquement des cours de recyclage, afin de bien comprendre comment s’acquitter de ce rôle et les gestes à poser dans certaines situations. La chose est particulièrement vraie étant donné que les parents des familles d’accueil et les membres du personnel, de par leur fonction même, fournissent des services dans une résidence privée sans la supervision directe de l’agence. Demander aux parents des familles d’accueil et au personnel de « cocher une case » pour attester qu’ils ont lu la politique n’est pas un moyen significatif ni efficace de s’assurer que les politiques sont comprises et respectées. La formation devrait être robuste et il devrait y avoir une documentation attestant que chaque parent d’un foyer d’accueil et chaque membre du personnel a suivi cette formation.
231 En outre, l’obligation de faire des quarts de travail d’orientation avant de fournir des soins directs aux enfants est une bonne procédure, mais seulement si elle est mise en œuvre. Johnson Children’s Services Inc. devrait faire en sorte que les employé(e)s se plient à cette exigence avant d’être affecté(e)s à une résidence pour fournir des soins aux enfants.
Recommandation 48
Johnson Children’s Services Inc. devrait fournir aux parents des foyers d’accueil et au personnel une formation complète et pertinente et des cours de recyclage périodiques sur les lois applicables, les lignes directrices du ministère et ses propres politiques et procédures; et il devrait tenir des dossiers sur la formation de chaque parent de famille d’accueil et chaque membre du personnel.
Recommandation 49
Johnson Children’s Services Inc., conformément à l’exigence énoncée dans son cartable de politiques, devrait s’assurer que les employé(e)s font cinq quarts de travail d’orientation avant d’être affecté(e)s à fournir des soins directs aux enfants.
232 Notre enquête a également révélé de sérieuses failles dans la formation du personnel d’Anishinaabe Abinoojii Family Services. Une employée nous a dit ne jamais avoir reçu de formation sur la prise de notes de cas ou sur la tenue d’un registre de contacts et ni reçu la directive de les remplir rapidement. Elle a dit ne pas avoir reçu de formation sur les plans de soins, qui sont d’importants documents pour décrire la façon dont seront comblés les besoins des enfants. On nous a également dit que le personnel ne recevait pas de formation sur les ententes d’assistance de supervision.
233 La direction d’AAFS nous a dit que le personnel devait suivre des séances d’orientation et des formations, incluant sur la prise de notes de cas et les plans de soins. Cependant, il n’est pas clair que cela s’est produit dans le cas des employé(e)s à qui nous avons parlé. Quoi qu’il en soit, les employé(e)s que nous avons interviewé(e)s nous ont dit ne pas se sentir suffisamment formé(e)s et soutenu(e)s pour s’acquitter de leur travail.
234 Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que son personnel nouvellement embauché reçoive une formation et des séances d’orientation générales afin de l’aider à s’acquitter de ses responsabilités et de ses obligations à l’égard des enfants qui lui sont confié(e)s. AAFS devrait aussi s’assurer que le personnel suive périodiquement des cours de recyclage dans ses principaux champs de responsabilités et que de nouvelles formations soient offertes lorsque surviennent des changements importants sur le plan des lois ou des politiques. Des dossiers sur la formation devraient être tenus pour attester que chacun des membres du personnel a reçu une formation adéquate.
Recommandation 50
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que son personnel nouvellement embauché reçoive une formation générale et suive les séances d’orientation nécessaires pour s’acquitter de ses fonctions et de ses obligations à l’égard des enfants qui lui sont confié(e)s.
Recommandation 51
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer de fournir à son personnel des cours de recyclage périodiques dans ses principaux champs de responsabilités, et que de nouvelles formations soient offertes lorsque surviennent des changements importants sur le plan des lois ou des politiques.
Recommandation 52
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer de conserver un dossier sur la formation reçue par chacun(e) des membres de son personnel.
235 Notre enquête a également révélé que les membres du personnel d’Anishinaabe Abinoojii Family Services n’échangeaient pas fréquemment avec leurs superviseurs(ses) au sujet des soins et des services fournis à chaque enfant. De sorte que les intervenant(e)s ne recevaient pas toujours les instructions ou le soutien requis, et que les superviseurs(ses) manquaient parfois des occasions de signaler des erreurs et de donner des conseils et de la formation. Par exemple, une révision par le(la) superviseur(se) aurait peut-être permis de constater qu’il n’y avait pas d’entente d’assistance de supervision, que l’entente d’indemnité spéciale pour le soutien individuel était échue et qu’elle n’avait pas été approuvée par le comité, conformément aux politiques d’AAFS. Et plus important encore, en constatant que l’intervenante d’AAFS avait été informée de la disparition de Misty, le(la) superviseur(se), fort(e) de son expérience, aurait sans doute poussé la direction à agir plus rapidement.
236 On pourrait remédier à ces failles en tenant des réunions régulièrement entre superviseurs(ses) et intervenant(e)s afin de discuter des cas et de réviser les dossiers des enfants relevant de chaque travailleur(se). Le compte-rendu de ces discussions et les détails importants pourraient alors être consignés dans le dossier de l’enfant à titre informatif. Cette pratique pourrait créer une culture qui valorise la qualité du service et la responsabilisation et donner aux superviseurs(ses) l’occasion de partager avec leurs employé(e)s leur savoir et leur expérience. Et cela aiderait à éviter que des enfants passent entre les mailles du système. Si cette pratique avait été en vigueur durant la période couverte par notre enquête, des erreurs dans le traitement du dossier de Misty auraient pu être détectées et corrigées.
237 Des consultations et des révisions régulières sont utiles pour détecter les situations de non-conformité aux politiques d’une SAE ou aux Normes de la protection de l’enfance de l’Ontario et, lorsqu’il y a lieu, de discuter des dérogations possibles à ces politiques ou ces normes.
238 Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait veiller à la tenue périodique de réunions entre les superviseurs(ses) et les travailleurs(ses) de première ligne pour réviser les dossiers des enfants et donner des directives. Les discussions devraient être documentées dans le dossier de l’enfant de même que l’autorisation de toute dérogation à des politiques ou des normes provinciales qui s’appliqueraient normalement.
Recommandation 53
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait veiller à ce que les superviseurs(ses) se réunissent sur une base régulière avec les travailleur(euse)s de première ligne afin de réviser leurs dossiers et leur donner des directives.
Recommandation 54
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait faire en sorte que les discussions entre les superviseurs(ses) et les intervenant(e)s soient documentées dans le dossier de l’enfant.
Recommandation 55
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que toute dérogation aux politiques de l’organisme ou aux Normes de la protection de l’enfance de l’Ontario approuvée par un(e) superviseur(se) soit documentée dans le dossier de l’enfant.
239 Au moment où Misty a été déplacée par Johnson Children’s Services vers une nouvelle ville du sud-ouest de l’Ontario à l’été 2020, elle était une adolescente autochtone âgée de 13 ans extrêmement vulnérable. Elle souffrait de graves problèmes de santé mentale et de troubles du développement. Elle avait un historique bien documenté de consommation de drogues. Et on soupçonnait déjà qu’elle faisait l’objet de traite de personnes. Loin de la maison, parmi des étrangers et dans un milieu inconnu, les dangers auxquels était exposé Misty étaient aigus et auraient dû être évidents pour les personnes responsables de ses soins. L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a mis en relief l’obligation pour le système d’aide à l’enfance de protéger les enfants autochtones contre l’exploitation et le danger d’être recruté(e)s dans l’industrie du sexe. Malheureusement, le système d’aide et de protection de l’enfance a laissé tomber Misty durant son passage dans le sud-ouest de l’Ontario. Sur une période de quarante-sept jours, Misty a disparu à sept reprises, incluant pour une période de quelque dix-neuf jours. Pendant sa disparition, Misty a été agressée physiquement et sexuellement, elle a subi des blessures qui ont nécessité des soins médicaux et elle a fait une surdose à de puissantes drogues illicites.
240 Johnson Children’s Services Inc., qui était responsable des soins quotidiens fournis à Misty pendant son séjour dans le sud-ouest de l’Ontario, a été particulièrement négligent dans l’exercice de ses fonctions. L’histoire de Misty aurait bien pu avoir une fin plus tragique. Comme d’aucuns l’ont souligné, Misty aurait bien pu partager le terrible sort réservé à d’autres femmes et jeunes filles autochtones disparues et assassinées, dont il est question dans l’enquête nationale sur les FFAAD. Il est extrêmement troublant que le personnel de JCS n’ait pas envisagé cette réalité. Lorsque Misty a disparu, on a minimisé l’urgence de la situation - dans un cas, ce n’est qu’au bout de plusieurs heures que sa disparition a été signalée à la police. Par ailleurs, le personnel n’a pas communiqué, et ce, à plusieurs reprises la gravité des risques pour sa sécurité auxquels était exposée Misty chaque fois qu’elle disparaissait, et il n’a pas respecté le propre protocole de JCS relatif à la disparition d’un(e) enfant.
241 Johnson Children’s Services s’est engagé à fournir un niveau de service qu’il n’a pas rendu. Il a enfreint son entente de services avec Anishinaabe Abinoojii Family Services en n’obtenant pas l’approbation de l’organisme avant de déplacer soudainement Misty, et il a omis de lui remettre une copie des rapports d’incidents graves relatifs à ses soins. Et plus important encore, JCS n’a pas veillé à ce que Misty obtienne la supervision et le soutien individuel dont elle avait besoin et pour lequel AAFS l’avait payé. En fait, mon enquête a révélé qu’à certains moments, Misty et d’autres enfants étaient laissé(e)s à eux(elles)-mêmes sans supervision. Si JCS avait respecté ses obligations, sans doute que le risque que Misty subisse des sévices aurait été moindre.
242 Il ne semble pas que JCS ait tiré de leçons de son passé de non-respect des exigences liées à la protection de l’enfance. Pendant qu’il fournissait des soins à Misty, JCS a enfreint une des conditions auxquelles était assujetti son permis du ministère en ne soumettant pas les horaires et feuilles de présence de son personnel. Cette exigence visait à protéger les enfants dont il avait la charge en assurant la présence d’un personnel suffisant. Comme l’illustre le cas de Misty, à plusieurs reprises, son foyer d’accueil n’avait pas suffisamment de personnel. JCS n’a pas respecté non plus les exigences de signalement d’incidents graves; il n’a pas soumis les rapports et n’a pas consigné et documenté des détails importants. En plus, il a omis de remettre à mon Bureau les rapports de décès et de lésions corporelles graves, comme l’exige la réglementation.
243 Enfin, les communications de JCS avec AAFS et d’autres étaient fréquemment inefficaces, et la documentation des évènements, la tenue des dossiers et les pratiques en matière de formation présentaient de graves lacunes.
244 L’article 21 de la Loi sur l’ombudsman dresse une liste des adjectifs que je peux utiliser dans la formulation de mon opinion au sujet d’une conduite problématique mise au jour dans le cadre d’une de mes enquêtes, et je suis tenu de décrire la mauvaise gestion en utilisant le libellé de la Loi[61]. Considérant les nombreux problèmes graves révélés dans mon enquête concernant la conduite de Johnson Children’s Services Inc. durant l’été 2020, je suis d’avis que les actions, les omissions et les décisions reliées à Misty étaient déraisonnables et erronées aux termes des paragraphes 21(b) et (d) de la Loi sur l’ombudsman.
245 Anishinaabe Abinoojii Family Services, qui était le plus au fait de l’histoire personnelle de Misty a aussi sa part de responsabilité pour le niveau de service médiocre qu’elle a obtenu pendant son passage dans le sud-ouest de l’Ontario. AAFS n’a pas informé la SAE du sud-ouest de l’Ontario que Misty avait besoin d’assistance en matière de supervision; une entente à cet égard n’a jamais été officialisée. AAFS n’a pas communiqué en temps opportun à la SAE du sud-ouest les renseignements pertinents relatifs à la situation de Misty et à ses besoins de soins.
246 Pendant la disparition de Misty, AAFS n’a pas envisagé de demander un mandat de la protection de l’enfance, un puissant outil pour aider la police à retrouver des enfants disparu(e)s. AAFS n’a pas non plus examiné de près les conditions auxquelles était assujetti le permis de JCS et n’a pas fait en sorte, compte tenu des problèmes dont témoignaient ces conditions, de surveiller étroitement la qualité des soins fournis par JCS. AAFS a également omis de remettre à mon Bureau un rapport de décès et de lésions corporelles graves, comme l’exige la réglementation.
247 Il y avait de nombreuses lacunes évidentes sur le plan des communications internes d’Anishinaabe Abinoojii Family Services, de la supervision et de la documentation liées aux soins de Misty. Les dossiers d’AAFS étaient incomplets et n’étaient pas conformes aux Normes de la protection de l’enfance de l’Ontario. Mon enquête a révélé qu’AAFS n’avait pas de politiques adéquates ni la formation requise en matière d’ententes d’indemnité spéciale, d’assistance en matière de supervision, de mandats de la protection de l’enfance et de tenue de dossiers.
248 Quoique limité à cause de sa géographie et des ressources à sa disposition, Anishinaabe Abinoojii Family Services aurait dû surveiller attentivement les services que Misty recevait de Johnson Children’s Services, les documenter et signaler les manquements. Si cela s’était produit, cela aurait peut-être servi à protéger Misty des pratiques inadéquates de JCS. Je suis d’avis que de ne pas l’avoir fait était erroné aux termes du paragraphe 21(d) de la Loi sur l’ombudsman.
249 Mon enquête a révélé que de nombreuses pratiques en vigueur à la Société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario étaient exemplaires. Toutefois, je suis d’avis que ses pratiques entourant les mandats de la protection de l’enfance, qui l’ont amenée à ignorer la possibilité d’y avoir recours dans le cas de Misty, et l’omission de transmettre un rapport de décès et de lésions corporelles graves à mon Bureau étaient erronées aux termes du paragraphe 21(d) de la Loi sur l’ombudsman.
250 J’ai formulé des recommandations visant à améliorer les services fournis par ces trois organismes et je m’engage à surveiller leurs efforts pour remédier aux manquements révélés dans le présent rapport.
Recommandation 56
Johnson Children’s Services Inc. devrait rendre compte à mon Bureau d’ici six mois des progrès réalisés pour donner suite à mes recommandations et par la suite, à intervalle de six mois, jusqu’à ce que je sois satisfait que des mesures appropriées ont été prises pour assurer leur mise en œuvre.
Recommandation 57
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait rendre compte à mon Bureau d’ici six mois des progrès réalisés pour donner suite à mes recommandations et par la suite, à intervalle de six mois, jusqu’à ce que je sois satisfait que des mesures appropriées ont été prises pour assurer leur mise en œuvre.
Recommandation 58
La société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario devrait rendre compte à mon Bureau d’ici six mois des progrès réalisés pour donner suite à mes recommandations et par la suite, à intervalle de six mois, jusqu’à ce que je sois satisfait que des mesures appropriées ont été prises pour assurer leur mise en œuvre.
251 Je formule ces recommandations dans le but d’améliorer la sécurité des enfants pris en charge en Ontario :
Recommandation 1
Johnson Children’s Services Inc. devrait veiller à ce que tous les parents de ses foyers d’accueil et membres du personnel reçoivent une formation sur la sécurité culturelle des Autochtones.
Recommandation 2
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer de prendre en compte les facteurs de risques spécifiques aux enfants autochtones dans les décisions relatives à leurs soins.
Recommandation 3
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer de respecter les modalités des ententes de services qu’il conclut avec les sociétés d’aide à l’enfance qui confient des enfants à sa charge.
Recommandation 4
JCS devrait aviser et obtenir leur autorisation des sociétés d’aide à l’enfance avant de déplacer des enfants qu’elles ont confié à ses soins.
Recommandation 5
Johnson Children’s Services Inc. devrait remettre aux SAE une copie de tous les rapports d’incidents graves liés aux enfants qu’elles ont confié(e)s à ses soins.
Recommandation 6
Johnson Children’s Services Inc. devrait veiller à fournir sans faute la supervision et les services de soutien individuel conformément à ses politiques, au plan de sécurité de l’enfant et aux modalités des ententes d’indemnité spéciale conclues avec les sociétés d’aide à l’enfance qui lui confient des enfants.
Recommandation 7
Johnson Children’s Services Inc. devrait tenir un dossier et des renseignements précis sur les membres du personnel qui fournissent des services de supervision individuelle aux enfants afin que le ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires et les SAE responsables des placements puissent vérifier les services fournis à chaque enfant.
Recommandation 8
Johnson Children’s Services Inc. devrait veiller à ce que lorsqu’un(e) employé(e) est affecté(e) au soutien individuel d’un enfant, il(elle) n’ait pas en plus la responsabilité de superviser d’autres enfants ou d’effectuer d’autres tâches dans le foyer d’accueil.
Recommandation 9
Johnson Children’s Services Inc. devrait faire en sorte que toutes les modalités liées au soutien individuel et que les changements ou la prolongation des ententes d’indemnité spéciale soient documentés et consignés dans une entente officielle signée.
Recommandation 10
Johnson Children’s Services Inc. devrait rembourser à la SAE d’Anishinaabe Abinoojii Family Services les sommes perçues pour les services de soutien individuel qui n’ont pas été fournis à Misty durant son séjour dans le sud-ouest de l’Ontario.
Recommandation 11
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que son personnel surveille étroitement les services fournis dans le cadre d’ententes d’indemnité spéciale.
Recommandation 12
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que son personnel est formé à exiger des documents précis, comme les horaires de travail des employé(e)s ou des rapports d’étapes hebdomadaires, pour l’aider à surveiller la prestation des services, incluant le soutien individuel.
Recommandation 13
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait faire en sorte que son personnel partage les renseignements pertinents sur les services auxquels ont droit les enfants, incluant le soutien individuel avec toutes les sociétés d’aide à l’enfance qui l’assistent dans la supervision.
Recommandation 14
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait faire en sorte que les changements ou la prolongation des ententes d’indemnité spéciale soient consignés dans une entente officielle signée, et que ces modifications soient examinées et approuvées par un comité désigné et documentées dans le dossier de l’enfant.
Recommandation 15
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer qu’un niveau de supervision adéquat soit exercé sur les enfants qui lui sont confié(e)s en tout temps.
Recommandation 16
Johnson Children’s Services Inc. devrait ordonner à son personnel de ne pas amener d’enfants au travail.
Recommandation 17
Johnson Children’s Services Inc. devrait veiller à ce que tous les parents responsables d’un foyer d’accueil et les membres du personnel révisent et mettent en œuvre les plans de sécurité des enfants qui leur sont confié(e)s et que ce soit documenté dans les dossiers de l’agence.
Recommandation 18
Anishinaabe Abinoojii Family Services, lorsqu’elle place un(e) enfant à l’extérieur de sa région géographique, devrait veiller à conclure une entente d’assistance de supervision avec la société d’aide à l’enfance locale énonçant les attentes et les responsabilités des deux parties.
Recommandation 19
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait se doter d’une politique pour guider son personnel dans l’élaboration d’ententes d’assistance de supervision. Cette politique devrait inclure :
- Une description des rôles et des responsabilités du personnel de première ligne et des gestionnaires;
- La nécessité de partager l’information appropriée avec la société d’aide à l’enfance locale lorsque les ententes sont négociées, y compris tous les renseignements pertinents sur l’enfant et les services qu’il(elle) devrait obtenir.
Recommandation 20
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que son personnel reçoive une formation sur la politique régissant les ententes d’assistance de supervision faisant l’objet de la recommandation 19.
Recommandation 21
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait vérifier, lorsqu’un(e) enfant recevant des services d’une société d’aide à l’enfance en vertu d’une entente d’assistance de supervision est déplacé(e), de quelle SAE relève le nouveau placement et, s’il y a lieu, devrait conclure avec cette SAE une nouvelle entente d’assistance de supervision.
Recommandation 22
Johnson Children’s Services Inc. devrait veiller à ce que son personnel reçoive une formation entourant les procédures et protocoles relatifs à la disparition des personnes de façon à être en mesure d’y donner suite lorsqu’un(e) enfant disparaît.
Recommandation 23
Johnson Children’s Services Inc. devrait également s’assurer que son personnel fournisse des renseignements exacts, complets et à jour à la police au sujet des enfants porté(e)s disparu(e)s dont il a la charge.
Recommandation 24
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que son personnel reçoive de la formation sur les mandats de la protection de l’enfance, les pouvoirs conférés par ces mandats et la procédure pour en faire la demande.
Recommandation 25
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait se doter de lignes directrices précisant les circonstances dans lesquelles le personnel devrait demander un mandat de la protection de l’enfance.
Recommandation 26
La société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario devrait s’assurer que son personnel reçoive de la formation sur les mandats de la protection de l’enfance, les pouvoirs conférés par ces mandats et la procédure pour en faire la demande.
Recommandation 27
La société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario devrait se doter de lignes directrices précisant les circonstances dans lesquelles le personnel devrait demander un mandat de la protection de l’enfance.
Recommandation 28
Johnson Children’s Services Inc. devrait examiner attentivement les conditions de son permis et les respecter.
Recommandation 29
Johnson Children’s Services Inc. devrait également se doter d’un plan d’amélioration global qui, une fois entièrement déployé, modérerait les appréhensions qui ont amené le ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires à assujettir son permis à des conditions; et il devrait avoir comme but à long terme de faire supprimer ces conditions de son permis.
Recommandation 30
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait examiner les permis des titulaires de permis d’établissement résidentiel et les différentes conditions auxquelles sont assujettis ces permis avant de leur confier des enfants.
Recommandation 31
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait considérer les conditions imposées au titulaire d’un permis d’établissement résidentiel lorsqu’il surveille les services que ce titulaire de permis fournit à l’enfant qu’il lui a confié(e).
Recommandation 32
Johnson Children’s Services Inc. devrait faire en sorte de maintenir des communications efficaces avec les autres organismes impliqués dans des services à un(e) enfant. Si un(e) membre de son personnel n’est plus la personne-ressource attitrée, Johnson Children’s Services Inc. devrait en informer de manière proactive les autres organismes et leur dire qui contacter à la place.
Recommandation 33
Johnson Children’s Services Inc. devrait faire en sorte de signaler tous les incidents graves conformément aux lignes directrices de signalement d’incidents graves du ministère et à ses propres politiques et procédures.
Recommandation 34
Johnson Children’s Services Inc. devrait donner de la formation à son personnel sur les lignes directrices du ministère entourant le signalement d’incidents graves.
Recommandation 35
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer que ses rapports d’incidents graves contiennent tous les renseignements pertinents sur un incident, y compris toute information spécifique identifiée comme obligatoire par les lignes directrices du ministère pour les rapports d’incidents graves.
Recommandation 36
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer d’évaluer avec précision et de signaler le risque que présente chaque incident, conformément aux lignes directrices des rapports d’incidents graves du ministère.
Recommandation 37
Johnson Children’s Services Inc. devrait réviser les exigences en matière de signalement de décès et lésions corporelles graves du Règlement de l’Ontario 80/19 et donner une formation à cet effet à son personnel, et JCS devrait signaler tous les incidents entraînant le décès d’un(e) enfant ou des lésions corporelles graves, conformément à ces exigences.
Recommandation 38
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait réviser les exigences en matière de signalement des décès et lésions corporelles graves du Règlement de l’Ontario 80/19 et donner une formation à cet effet à son personnel, et AAFS devrait signaler tous les incidents entraînant le décès d’un(e) enfant ou des lésions corporelles graves, conformément à ces exigences.
Recommandation 39
La société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario devrait réviser les exigences en matière de signalement des décès et lésions corporelles graves du Règlement de l’Ontario 80/19 et donner une formation à cet effet à son personnel et la SAE devrait signaler tous les incidents entraînant le décès d’un(e) enfant ou des lésions corporelles graves, conformément à ces exigences.
Recommandation 40
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que le personnel qui fournit des services aux jeunes soit formé pour documenter et saisir en temps opportun dans son système informatique tous les renseignements pertinents concernant un(e) enfant.
Recommandation 41
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer de documenter les incidents conformément aux Normes de la protection de l’enfance de l’Ontario, lesquelles exigent que les notes de cas soient contemporaines et contiennent la date, l’heure, la méthode de contact et les noms des personnes engagées dans la discussion ou dont il est question, ainsi que les dates, les décisions et les remarques importantes reliées aux contacts.
Recommandation 42
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que la rétroaction ou les directives d’un(e) superviseur(se) soient documentées dans le dossier de l’enfant par l’intervenant(e) et par son(sa) superviseur(se).
Recommandation 43
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer que tous(tes) les membres du personnel qui fournissent des services aux jeunes soient formés pour documenter et saisir en temps opportun à l’aide de son logiciel tous les renseignements pertinents concernant un(e) enfant.
Recommandation 44
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer que toutes les communications, incluant les appels téléphoniques, les réunions en personne, les courriels et les messages textes, soient documentées.
Recommandation 45
Johnson Children’s Services Inc. devrait veiller à ce que chaque employé(e) impliqué(e) dans un incident lié à un(e) enfant pris(e) en charge en documente les circonstances, incluant au besoin dans un rapport d’incidents graves.
Recommandation 46
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer que la rétroaction ou les directives d’un(e) superviseur(se) soient documentées dans le dossier de l’enfant par l’intervenant(e) et par son(sa) superviseur(se).
Recommandation 47
Johnson Children’s Services Inc. devrait faire en sorte que les employé(e)s susceptibles de fournir des soins aux enfants - incluant les parents des foyers d’accueils, les préposé(e)s à l’enfance et à la jeunesse et d’autres - aient accès au logiciel utilisé pour documenter les incidents liés aux enfants qui leur sont confié(e)s.
Recommandation 48
Johnson Children’s Services Inc. devrait fournir aux parents des foyers d’accueil et au personnel une formation complète et pertinente et des cours de recyclage périodiques sur les lois applicables, les lignes directrices du ministère et ses propres politiques et procédures; et il devrait tenir des dossiers sur la formation de chaque parent de famille d’accueil et chaque membre du personnel.
Recommandation 49
Johnson Children’s Services Inc., conformément à l’exigence énoncée dans son cartable de politiques, devrait s’assurer que les employé(e)s font cinq quarts de travail d’orientation avant d’être affecté(e)s à fournir des soins directs aux enfants.
Recommandation 50
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que son personnel nouvellement embauché reçoive une formation générale et suive les séances d’orientation nécessaires pour s’acquitter de ses fonctions et de ses obligations à l’égard des enfants qui lui sont confié(e)s.
Recommandation 51
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer de fournir à son personnel des cours de recyclage périodiques dans ses principaux champs de responsabilités, et que de nouvelles formations soient offertes lorsque surviennent des changements importants sur le plan des lois ou des politiques.
Recommandation 52
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer de conserver un dossier sur la formation reçue par chacun(e) des membres de son personnel.
Recommandation 53
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait veiller à ce que les superviseurs(ses) se réunissent sur une base régulière avec les travailleur(euse)s de première ligne afin de réviser leurs dossiers et leur donner des directives.
Recommandation 54
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait faire en sorte que les discussions entre les superviseurs(ses) et les intervenant(e)s soient documentées dans le dossier de l’enfant.
Recommandation 55
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que toute dérogation aux politiques de l’organisme ou aux Normes de la protection de l’enfance de l’Ontario approuvée par un(e) superviseur(se) soit documentée dans le dossier de l’enfant.
Recommandation 56
Johnson Children’s Services Inc. devrait rendre compte à mon Bureau d’ici six mois des progrès réalisés pour donner suite à mes recommandations et par la suite, à intervalle de six mois, jusqu’à ce que je sois satisfait que des mesures appropriées ont été prises pour assurer leur mise en œuvre.
Recommandation 57
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait rendre compte à mon Bureau d’ici six mois des progrès réalisés pour donner suite à mes recommandations et par la suite, à intervalle de six mois, jusqu’à ce que je sois satisfait que des mesures appropriées ont été prises pour assurer leur mise en œuvre.
Recommandation 58
La société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario devrait rendre compte à mon Bureau d’ici six mois des progrès réalisés pour donner suite à mes recommandations et par la suite, à intervalle de six mois, jusqu’à ce que je sois satisfait que des mesures appropriées ont été prises pour assurer leur mise en œuvre.
252 Johnson Children’s Services Inc., Anishinaabe Abinoojii Family Services et la société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario ont eu la possibilité de prendre connaissance de mes constats préliminaires, de mon opinion et de mes recommandations, et d’y répondre. Nous avons également remis un exemplaire de mon rapport préliminaire au ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires. Tous les commentaires reçus ont été pris en considération dans la préparation du présent rapport final.
253 Les trois organismes concernés ont accepté toutes les recommandations qui leur étaient adressées. J’ai l’espoir que ces recommandations, une fois mises en œuvre, permettront d’éviter que d’autres enfants aboutissent dans la même situation que Misty, cette enfant qui s’est retrouvée loin de la maison et ballotée d’un placement à l’autre, sans véritable considération de ses vulnérabilités spécifiques et sans la supervision, le soutien et le lien culturel dont elle avait désespérément besoin.
254 Dans sa réponse indiquant qu’elle acceptait mes recommandations, la société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario a indiqué qu'il avait récemment offert au personnel de supervision une formation en personne sur l'utilisation des mandats de protection de l'enfance dans certaines situations à risque élevé. Elle a également expliqué qu'elle prévoyait de déployer cette formation à tout le personnel de première ligne de la protection de l'enfance dans un proche avenir. La réponse indiquait en outre que la SAE avait mis à jour sa politique sur les enfants et les jeunes disparu(e)s afin d'inclure des lignes directrices pour demander des mandats de protection de l'enfance, et que le personnel recevrait une formation supplémentaire sur les exigences en matière de signalement des décès et des lésions corporelles graves.
255 Dans une longue réponse, Johnson Children’s Services Inc. a présenté les mesures que l’organisme entend prendre pour répondre à chacune de mes recommandations et a mis en relief ce qu’il avait déjà fait. Entre autres mesures, JCS précise avoir adopté une nouvelle exigence sur le plan de la formation de tous les parents de ses foyers d’accueil et du personnel intervenant directement auprès d’enfants autochtones. D’ici l’an prochain, ces personnes suivront la formation San’yas sur la sécurité culturelle des Autochtones et, à l’avenir, les enfants autochtones seront placé(e)s uniquement dans des foyers dont les parents responsables et le personnel auront reçu cette formation.
256 Dans sa réponse, Anishinaabe Abinoojii Family Services a soulevé les problèmes systémiques qui contribuent aux difficultés de l’agence de fournir des services. AAFS a également indiqué avoir partagé mon rapport préliminaire avec l’organisme communautaire qui fournit les services à Misty en son nom.
257 Cet organisme communautaire a réagi séparément à mes constats préliminaires. Il a également mis en relief d’importants problèmes systémiques, notamment le manque de ressources en santé mentale et en traitement de la toxicomanie pour les jeunes dans la région, ce qui fait en sorte que les enfants doivent être placé(e)s dans le sud-ouest de l’Ontario loin de leur communauté d’origine. La directrice générale a écrit que l’organisme exerçait depuis longtemps des pressions pour régler ce problème :
Les organismes locaux […] ont abordé d’une voix commune ce problème avec le ministère, mais sans résultats. À un moment donné, nous dépensions collectivement douze millions de dollars par année pour envoyer nos enfants à l’extérieur. Nous avons mis de l’avant une proposition de centre de traitement qui se serait autofinancé dans un an. Il nous fallait simplement des fonds pour l’immobilisation et le développement. On nous a poliment écoutés et les besoins ont été reconnus, mais la proposition est demeurée lettre morte même si le dossier s’est rendu jusqu’au bureau du sous-ministre…
[L’organisme communautaire desservant Misty] et des organismes dans le Nord ont déjà demandé l’assistance d’autres agences, mais ils ne le font plus en raison du manque de compréhension de la culture et du contexte et parce que les réseaux sont débordés. Alors, nous avons cessé de demander plus d’assistance et nous avons pris la décision d’essayer de servir nos enfants là où ils(elles) se trouvent et du mieux que l’on peut. L’Association des sociétés d’aide à l’enfance de l’Ontario a déjà lancé une initiative afin de recueillir de l’information sur des établissements extérieurs qui reçoivent du financement et de les évaluer en fonction de la qualité des services fournis. Cette information devait être accessible et venir en appui aux organismes, notamment ceux du Nord. Je ne sais pas au juste ce qu’a donné cette initiative. Des partenariats entre organismes dans le Nord, le Sud et l’Est permettraient de renforcer de telles initiatives, et il serait utile d’avoir de la formation culturelle et contextuelle commune.
258 La lettre de la directrice générale décrivait aussi les difficultés de son organisme et d’autres agences communautaires d’embaucher et de retenir une main-d’œuvre qualifiée, formée et culturellement compétente vu le manque de ressources pour verser des salaires et des avantages sociaux concurrentiels. Elle a dit que, comme d’autres, son organisme communautaire était « perpétuellement en situation de crise » en raison du manque de personnel, et ce, même si l’organisme s’efforce sans cesse d’accroître ses capacités par la formation sur le terrain, le mentorat et la supervision.
259 Elle terminait sa lettre en m’invitant ainsi que mon personnel à réviser ce rapport en leur compagnie afin que nous progressions ensemble de « bonne manière ». Mon Bureau s’est engagé à travailler pour une réconciliation significative et durable et je suis honoré d’accepter cette invitation à travailler ensemble pour atteindre notre but partagé de soutenir les enfants autochtones du nord de l’Ontario.
260 Je vais suivre de près la mise en œuvre de mes recommandations par Johnson Children’s Services Inc., Anishinaabe Abinoojii Family Services et la société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario, et je rendrai compte de leur progrès dans mes rapports annuels subséquents.
_______________________
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
[1] Les noms de l’enfant et des membres de sa famille ont été anonymisés dans le présent rapport pour des raisons de confidentialité. En outre, certaines dates, des noms de lieux et d’organismes et des détails permettant l’identification ont été généralisés ou omis afin de protéger la vie privée de Misty.
[2] Les interactions de Misty avec Anishinaabe Abinoojii Family Services se faisaient principalement par l’intermédiaire d’un organisme particulier servant sa Première Nation et fournissant certains services au nom d’Anishinaabe Abinoojii Family Services, en vertu d’une entente.
[3] Afin de protéger le droit à la vie privée de Misty et de respecter la Loi sur l’ombudsman, j’ai choisi de garder anonyme le nom de l’organisme communautaire qui fournissait des services à Misty et celui de la société d’aide à l’enfance qui a supervisé son placement dans le sud-ouest de l’Ontario. L’alinéa 7.3(4) de la Loi sur l’ombudsman stipule que je ne dois pas divulguer dans un rapport le nom ou des données d’identification personnelles d’un enfant pouvant être visé par une enquête.
[4] Appel à la justice 12.14 : Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletRéclamer notre pouvoir et notre place : le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, volume 1b (Ottawa, 2019), p. 196 [Enquête nationale FFADA 1b], en ligne.
[5] R.O. 80/19, art. 1.
[6] Loi de 2017 sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille, L.O. 2017, chap. 14, annexe 1 [LSEJF].
[7] Idem, article 244.
[8] Idem, par. 35(1).
[9] LSEJF, supra note 6, par. 35(2).
[10] Idem, alinéa 1(2)(6).
[11] LSEJF, supra note 6, par. 244(2).
[12] Ontario, ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse, Manuel sur la délivrance des permis de soins en famille d’accueil (2012), page 8; et Ontario, ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires, Cadre des normes de qualité de l’Ontario (2022), page 20.
[13] Manuel sur la délivrance des permis de soins en famille d’accueil, supra note 12, page 9 [Cadre des normes de qualité de l’Ontario].
[14] Idem, page 8.
[15] LSEJF, supra note 6, par. 249(1).
[16] LSEJF, supra note 6, par. 249(1).
[17] Voir le R.O. 156/18, par. 84(2) et la condition générale 6 comprise dans tous les permis d’agences responsables de foyers d’accueil; les Lignes directrices du signalement d’incidents graves du ministère précisent également des obligations en matière de rapport. Ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires, Lignes directrices du signalement d’incidents graves (2019) pages 5-6 [Lignes directrices du signalement d’incidents graves].
[18] R.O. 80/19, par. 1(1).
[19] Idem, par. 1(4)
[20] LSEJF, supra note 6, art. 83.
[21] Ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse de l’Ontario, Normes de la protection de l’enfance de l’Ontario (2016), p. 4 [Normes de la protection de l’enfance].
[22] Normes de la protection de l’enfance, supra note 21, page 16.
[23] Idem, page 16-17.
[24] Voir le R.O. 156/18, art. 84 et la condition générale 6 comprise dans tous les permis d’organismes responsables de foyers d’accueil. Lignes directrices du signalement d’incidents graves, supra note 17.
[25] Les lignes directrices du signalement d’incidents graves, supra note 17, p. 5-6.
[26] Idem, page 10.
[27] Idem, page 15.
[28] Lignes directrices du signalement d’incidents graves, supra note 17, p. 30-31
[29] Idem, page 33.
[30] Idem, p. 11-22.
[31] Ministère des Services sociaux et communautaires, Politiques relatives aux enfants pris en charge (1985), CH-0101-01 [Politiques relatives aux enfants pris en charge].
[32] Idem, CH -0305-03.
[33] Manuel sur la délivrance des permis de soins en famille d’accueil, supra note 12, p. 11.
[34] Idem, page 9.
[35] Cadre de normes de qualité de l’Ontario, supra note 12.
[36] Johnson Children’s Services, politiques et procédures, p. 158 [Politiques et procédures de JCS].
[37] Par exemple, voir : Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletHonorer la vérité, réconcilier pour l’avenir - Sommaire du rapport final de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada (Ottawa : 2015) [Rapport final CVR), en ligne; Canada, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletRapport de la Commission royale d’enquête sur les Autochtones (Ottawa, 1996), en ligne.
[38] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletRéclamer notre pouvoir et notre place : Le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, vol 1a (Ottawa 2019) [Enquête nationale sur les FFADA, 1a], en ligne; Enquête nationale sur les FFADA, supra note 4.
[39] Enquête nationale sur les FFADA 1a, supra note 38, p. 339.
[40] Idem, p. 355.
[41] Appel à la justice 12.14, Enquête nationale sur les FFADA 1b, supra note 4, p. 196.
[42] Voir : Canada, ministère de la Justice, Les victimes de la traite des personnes : Points de vue du secteur communautaire canadien, Jacqueline Oxman-Martinez, Marie Lacroix et Jill Hanley (Ottawa : ministère de la Justice, division de la recherche et de la statistique, août 2005), p. 10.
[43] Voir : Anupriya Sethi, “Domestic Sex Trafficking of Aboriginal Girls in Canada: Issues and Implications,” (2007) 3:3 First Peoples Child and Family Rev 57 at 61-3; Anette Sikka, Trafficking of Aboriginal Women and Girls in Canada, (Ottawa: Institute on Governance, Aboriginal Policy Research Series, mai 2009).
[44] Fondation canadienne des femmes, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletAn Assessment of Sex Trafficking in Canada par Nicole A. Barrett (mai 2013), p. 13, en ligne.
[45] Le concept de « soins conformes à la tradition » s’entend « Des soins fournis à un enfant inuit, métis ou de Premières Nations et de la surveillance d’un tel enfant, par une personne qui n’est pas un parent de l’enfant, conformément à la coutume de la bande ou de la communauté inuite, métisse ou de Premières Nations à laquelle l’enfant appartient », LSEJF, supra note 6, par. 2(1).
[46] Dans son rapport de mars 2019 au sujet de Johnson Children’s Services Inc., l’intervenant provincial en faveur des enfants et des jeunes de l’Ontario formulait plusieurs recommandations à l’endroit du ministère en rapport avec une définition plus précise des foyers d’accueil thérapeutiques et de leur surveillance. Notamment, il recommandait au ministère d’établir des critères clairs et objectifs avant que les fournisseurs de services en établissement puissent « s’afficher auprès de sociétés d’aide à l’enfance comme foyers d’accueil thérapeutiques pour les enfants et aux jeunes pris en charge ». Voir : Intervenant en faveur des enfants de l’Ontario, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletRapport d’enquête : Johnson Children’s Services Inc., (bureau de Thunder Bay), (mars 2019), p. 62; en ligne.
[47] Le ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires a informé notre bureau qu’à compter du 18 novembre 2022, en vertu des conditions et modalités de son permis, cette agence responsable de foyers d’accueil ne peut plus accepter d’autres enfants dans ces résidences.
[48] Règlement de l’Ontario no 156/18, par. 51(1), Politiques relatives aux enfants pris en charge, supra note 31 à CH-0302-03.
[49] LSEJF, supra note 6, s 83(1).
[50] Idem, par. 83(3).
[51] Idem, par. 83(1) et (4).
[52] Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, Formulaire 7.
[53] LSEJF, supra note 6, par. 83(4).
[54] LSEJF, supra note 6, par. 249(1). Les permis et les conditions auxquelles sont assujettis les fournisseurs de services en établissement sont également publiés dans le site Web du ministère.
[55] Lignes directrices des rapports d’incidents graves, supra note 17, p. 30-31.
[56] Idem, page 33.
[57] R.O. 80/19, par. 1(1).
[58] Normes de protection de l’enfance, supra note 21, p. 16-17.
[59] Politiques et procédures de Johnson Children’s Services Inc., supra note 36, p. 158.
[60] Ces formations sont un outil d’évaluation en milieu familial (SAFE) et des ressources parentales en matière d’information, de développement et d’éducation (PRIDE) pour les parents de familles d’accueil et les parents adoptifs.
[61] L.R.O. 1990, Règlement 865, art. 6.
Recommandation 1
Johnson Children’s Services Inc. devrait veiller à ce que tous les parents de ses foyers d’accueil et membres du personnel reçoivent une formation sur la sécurité culturelle des Autochtones.
Recommandation 2
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer de prendre en compte les facteurs de risques spécifiques aux enfants autochtones dans les décisions relatives à leurs soins.
Recommandation 3
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer de respecter les modalités des ententes de services qu’il conclut avec les sociétés d’aide à l’enfance qui confient des enfants à sa charge.
Recommandation 4
JCS devrait aviser et obtenir leur autorisation des sociétés d’aide à l’enfance avant de déplacer des enfants qu’elles ont confié à ses soins.
Recommandation 5
Johnson Children’s Services Inc. devrait remettre aux SAE une copie de tous les rapports d’incidents graves liés aux enfants qu’elles ont confié(e)s à ses soins.
Recommandation 6
Johnson Children’s Services Inc. devrait veiller à fournir sans faute la supervision et les services de soutien individuel conformément à ses politiques, au plan de sécurité de l’enfant et aux modalités des ententes d’indemnité spéciale conclues avec les sociétés d’aide à l’enfance qui lui confient des enfants.
Recommandation 7
Johnson Children’s Services Inc. devrait tenir un dossier et des renseignements précis sur les membres du personnel qui fournissent des services de supervision individuelle aux enfants afin que le ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires et les SAE responsables des placements puissent vérifier les services fournis à chaque enfant.
Recommandation 8
Johnson Children’s Services Inc. devrait veiller à ce que lorsqu’un(e) employé(e) est affecté(e) au soutien individuel d’un enfant, il(elle) n’ait pas en plus la responsabilité de superviser d’autres enfants ou d’effectuer d’autres tâches dans le foyer d’accueil.
Recommandation 9
Johnson Children’s Services Inc. devrait faire en sorte que toutes les modalités liées au soutien individuel et que les changements ou la prolongation des ententes d’indemnité spéciale soient documentés et consignés dans une entente officielle signée.
Recommandation 10
Johnson Children’s Services Inc. devrait rembourser à la SAE d’Anishinaabe Abinoojii Family Services les sommes perçues pour les services de soutien individuel qui n’ont pas été fournis à Misty durant son séjour dans le sud-ouest de l’Ontario.
Recommandation 15
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer qu’un niveau de supervision adéquat soit exercé sur les enfants qui lui sont confié(e)s en tout temps.
Recommandation 16
Johnson Children’s Services Inc. devrait ordonner à son personnel de ne pas amener d’enfants au travail.
Recommandation 17
Johnson Children’s Services Inc. devrait veiller à ce que tous les parents responsables d’un foyer d’accueil et les membres du personnel révisent et mettent en œuvre les plans de sécurité des enfants qui leur sont confié(e)s et que ce soit documenté dans les dossiers de l’agence.
Recommandation 22
Johnson Children’s Services Inc. devrait veiller à ce que son personnel reçoive une formation entourant les procédures et protocoles relatifs à la disparition des personnes de façon à être en mesure d’y donner suite lorsqu’un(e) enfant disparaît.
Recommandation 23
Johnson Children’s Services Inc. devrait également s’assurer que son personnel fournisse des renseignements exacts, complets et à jour à la police au sujet des enfants porté(e)s disparu(e)s dont il a la charge.
Recommandation 28
Johnson Children’s Services Inc. devrait examiner attentivement les conditions de son permis et les respecter.
Recommandation 29
Johnson Children’s Services Inc. devrait également se doter d’un plan d’amélioration global qui, une fois entièrement déployé, modérerait les appréhensions qui ont amené le ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires à assujettir son permis à des conditions; et il devrait avoir comme but à long terme de faire supprimer ces conditions de son permis.
Recommandation 32
Johnson Children’s Services Inc. devrait faire en sorte de maintenir des communications efficaces avec les autres organismes impliqués dans des services à un(e) enfant. Si un(e) membre de son personnel n’est plus la personne-ressource attitrée, Johnson Children’s Services Inc. devrait en informer de manière proactive les autres organismes et leur dire qui contacter à la place.
Recommandation 33
Johnson Children’s Services Inc. devrait faire en sorte de signaler tous les incidents graves conformément aux lignes directrices de signalement d’incidents graves du ministère et à ses propres politiques et procédures.
Recommandation 34
Johnson Children’s Services Inc. devrait donner de la formation à son personnel sur les lignes directrices du ministère entourant le signalement d’incidents graves.
Recommandation 35
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer que ses rapports d’incidents graves contiennent tous les renseignements pertinents sur un incident, y compris toute information spécifique identifiée comme obligatoire par les lignes directrices du ministère pour les rapports d’incidents graves.
Recommandation 36
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer d’évaluer avec précision et de signaler le risque que présente chaque incident, conformément aux lignes directrices des rapports d’incidents graves du ministère.
Recommandation 37
Johnson Children’s Services Inc. devrait réviser les exigences en matière de signalement de décès et lésions corporelles graves du Règlement de l’Ontario 80/19 et donner une formation à cet effet à son personnel, et JCS devrait signaler tous les incidents entraînant le décès d’un(e) enfant ou des lésions corporelles graves, conformément à ces exigences.
Recommandation 43
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer que tous(tes) les membres du personnel qui fournissent des services aux jeunes soient formés pour documenter et saisir en temps opportun à l’aide de son logiciel tous les renseignements pertinents concernant un(e) enfant.
Recommandation 44
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer que toutes les communications, incluant les appels téléphoniques, les réunions en personne, les courriels et les messages textes, soient documentées.
Recommandation 45
Johnson Children’s Services Inc. devrait veiller à ce que chaque employé(e) impliqué(e) dans un incident lié à un(e) enfant pris(e) en charge en documente les circonstances, incluant au besoin dans un rapport d’incidents graves.
Recommandation 46
Johnson Children’s Services Inc. devrait s’assurer que la rétroaction ou les directives d’un(e) superviseur(se) soient documentées dans le dossier de l’enfant par l’intervenant(e) et par son(sa) superviseur(se).
Recommandation 47
Johnson Children’s Services Inc. devrait faire en sorte que les employé(e)s susceptibles de fournir des soins aux enfants - incluant les parents des foyers d’accueils, les préposé(e)s à l’enfance et à la jeunesse et d’autres - aient accès au logiciel utilisé pour documenter les incidents liés aux enfants qui leur sont confié(e)s.
Recommandation 48
Johnson Children’s Services Inc. devrait fournir aux parents des foyers d’accueil et au personnel une formation complète et pertinente et des cours de recyclage périodiques sur les lois applicables, les lignes directrices du ministère et ses propres politiques et procédures; et il devrait tenir des dossiers sur la formation de chaque parent de famille d’accueil et chaque membre du personnel.
Recommandation 49
Johnson Children’s Services Inc., conformément à l’exigence énoncée dans son cartable de politiques, devrait s’assurer que les employé(e)s font cinq quarts de travail d’orientation avant d’être affecté(e)s à fournir des soins directs aux enfants.
Recommandation 56
Johnson Children’s Services Inc. devrait rendre compte à mon Bureau d’ici six mois des progrès réalisés pour donner suite à mes recommandations et par la suite, à intervalle de six mois, jusqu’à ce que je sois satisfait que des mesures appropriées ont été prises pour assurer leur mise en œuvre.
Recommandation 11
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que son personnel surveille étroitement les services fournis dans le cadre d’ententes d’indemnité spéciale.
Recommandation 12
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que son personnel est formé à exiger des documents précis, comme les horaires de travail des employé(e)s ou des rapports d’étapes hebdomadaires, pour l’aider à surveiller la prestation des services, incluant le soutien individuel.
Recommandation 13
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait faire en sorte que son personnel partage les renseignements pertinents sur les services auxquels ont droit les enfants, incluant le soutien individuel avec toutes les sociétés d’aide à l’enfance qui l’assistent dans la supervision.
Recommandation 14
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait faire en sorte que les changements ou la prolongation des ententes d’indemnité spéciale soient consignés dans une entente officielle signée, et que ces modifications soient examinées et approuvées par un comité désigné et documentées dans le dossier de l’enfant.
Recommandation 18
Anishinaabe Abinoojii Family Services, lorsqu’elle place un(e) enfant à l’extérieur de sa région géographique, devrait veiller à conclure une entente d’assistance de supervision avec la société d’aide à l’enfance locale énonçant les attentes et les responsabilités des deux parties.
Recommandation 19
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait se doter d’une politique pour guider son personnel dans l’élaboration d’ententes d’assistance de supervision. Cette politique devrait inclure :
- Une description des rôles et des responsabilités du personnel de première ligne et des gestionnaires;
- La nécessité de partager l’information appropriée avec la société d’aide à l’enfance locale lorsque les ententes sont négociées, y compris tous les renseignements pertinents sur l’enfant et les services qu’il(elle) devrait obtenir.
Recommandation 20
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que son personnel reçoive une formation sur la politique régissant les ententes d’assistance de supervision faisant l’objet de la recommandation 19.
Recommandation 21
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait vérifier, lorsqu’un(e) enfant recevant des services d’une société d’aide à l’enfance en vertu d’une entente d’assistance de supervision est déplacé(e), de quelle SAE relève le nouveau placement et, s’il y a lieu, devrait conclure avec cette SAE une nouvelle entente d’assistance de supervision.
Recommandation 24
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que son personnel reçoive de la formation sur les mandats de la protection de l’enfance, les pouvoirs conférés par ces mandats et la procédure pour en faire la demande.
Recommandation 25
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait se doter de lignes directrices précisant les circonstances dans lesquelles le personnel devrait demander un mandat de la protection de l’enfance.
Recommandation 30
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait examiner les permis des titulaires de permis d’établissement résidentiel et les différentes conditions auxquelles sont assujettis ces permis avant de leur confier des enfants.
Recommandation 31
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait considérer les conditions imposées au titulaire d’un permis d’établissement résidentiel lorsqu’il surveille les services que ce titulaire de permis fournit à l’enfant qu’il lui a confié(e).
Recommandation 38
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait réviser les exigences en matière de signalement des décès et lésions corporelles graves du Règlement de l’Ontario 80/19 et donner une formation à cet effet à son personnel, et AAFS devrait signaler tous les incidents entraînant le décès d’un(e) enfant ou des lésions corporelles graves, conformément à ces exigences.
Recommandation 40
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que le personnel qui fournit des services aux jeunes soit formé pour documenter et saisir en temps opportun dans son système informatique tous les renseignements pertinents concernant un(e) enfant.
Recommandation 41
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer de documenter les incidents conformément aux Normes de la protection de l’enfance de l’Ontario, lesquelles exigent que les notes de cas soient contemporaines et contiennent la date, l’heure, la méthode de contact et les noms des personnes engagées dans la discussion ou dont il est question, ainsi que les dates, les décisions et les remarques importantes reliées aux contacts.
Recommandation 42
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que la rétroaction ou les directives d’un(e) superviseur(se) soient documentées dans le dossier de l’enfant par l’intervenant(e) et par son(sa) superviseur(se).
Recommandation 50
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que son personnel nouvellement embauché reçoive une formation générale et suive les séances d’orientation nécessaires pour s’acquitter de ses fonctions et de ses obligations à l’égard des enfants qui lui sont confié(e)s.
Recommandation 51
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer de fournir à son personnel des cours de recyclage périodiques dans ses principaux champs de responsabilités, et que de nouvelles formations soient offertes lorsque surviennent des changements importants sur le plan des lois ou des politiques.
Recommandation 52
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer de conserver un dossier sur la formation reçue par chacun(e) des membres de son personnel.
Recommandation 53
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait veiller à ce que les superviseurs(ses) se réunissent sur une base régulière avec les travailleur(euse)s de première ligne afin de réviser leurs dossiers et leur donner des directives.
Recommandation 54
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait faire en sorte que les discussions entre les superviseurs(ses) et les intervenant(e)s soient documentées dans le dossier de l’enfant.
Recommandation 55
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait s’assurer que toute dérogation aux politiques de l’organisme ou aux Normes de la protection de l’enfance de l’Ontario approuvée par un(e) superviseur(se) soit documentée dans le dossier de l’enfant.
Recommandation 57
Anishinaabe Abinoojii Family Services devrait rendre compte à mon Bureau d’ici six mois des progrès réalisés pour donner suite à mes recommandations et par la suite, à intervalle de six mois, jusqu’à ce que je sois satisfait que des mesures appropriées ont été prises pour assurer leur mise en œuvre.
Recommandation 26
La société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario devrait s’assurer que son personnel reçoive de la formation sur les mandats de la protection de l’enfance, les pouvoirs conférés par ces mandats et la procédure pour en faire la demande.
Recommandation 27
La société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario devrait se doter de lignes directrices précisant les circonstances dans lesquelles le personnel devrait demander un mandat de la protection de l’enfance.
Recommandation 39
La société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario devrait réviser les exigences en matière de signalement des décès et lésions corporelles graves du Règlement de l’Ontario 80/19 et donner une formation à cet effet à son personnel et la SAE devrait signaler tous les incidents entraînant le décès d’un(e) enfant ou des lésions corporelles graves, conformément à ces exigences.
Recommandation 58
La société d’aide à l’enfance du sud-ouest de l’Ontario devrait rendre compte à mon Bureau d’ici six mois des progrès réalisés pour donner suite à mes recommandations et par la suite, à intervalle de six mois, jusqu’à ce que je sois satisfait que des mesures appropriées ont été prises pour assurer leur mise en œuvre.